La transformation digitale pour les nul(le)s

Encore un texte que j’aurais bien aimé écrire mais – fatalitas – je n’en ai ni le temps ni le talent. Il faut donc féliciter Grégory Pouy pour son remarquable texte posté ici-même sur son blog.

C’est décidé j’arrête !!! J’arrête de dire sur mon profil Linkedin, dans ma présentation de mes services, que j’accompagne des marques dans leur transformation « digitale ». C’est une erreur et je vais vous expliquer pourquoi.

Il existe une incompréhension profonde entre les consommateurs et les marques.
Or, la terminologie “transformation digitale” n’est pas neutre dans cette problématique et peut être dangereuse car elle entraine naturellement vers de mauvais choix stratégiques. J’ai eu l’occasion d’en parler la semaine dernière, mais en réalité, c’est beaucoup plus un nouveau paradigme societal dans lequel le digital joue un rôle qu’une transformation digitale per se.

Le terme “Digital” implique de se concentrer sur les technologies

Quand on aborde le digital, très rapidement on parle de technologies et d’innovations voire de prouesses. On fait du digital comme on fait un feu d’artifice, on cherche à faire un gros « boum » et beaucoup de lumière mais très souvent il n’en reste que de la fumée. Et on le voit partout tous les jours dans tous les secteurs. Rares sont les campagnes qui permettent d’ancrer la marque dans la tête des consommateurs aujourd’hui.

Dans leur très grande majorité, les marketers cochent des cases (réalité virtuelle, Intelligence Artificielle, mobile, produit connectés, Snapchat et hier Instagram, Twitter, Facebook…les forums) mais sans vraiment comprendre pourquoi ils le font si ce n’est pour rassurer le comité de direction, essayer de communiquer « là où se trouve la cible » ou pour gagner des prix.
Croire que le digital est une baguette magique qui va vous rendre (cocher la mauvaise réponse), cool, moderne, plus profitable…est une erreur profonde de compréhension.
Oui le digital est inévitable mais pas tant parce que les technologies doivent être adoptées que parce que le monde a changé.
Le risque évidemment c’est de faire du “digital washing”. De faire de l’innovation pour l’innovation. Sans vraiment se soucier in fine du but premier, c’est à dire de rendre service aux consommateurs dans un monde transformé.

La réalité est que la transformation technologique est un outil au service d’une transformation plus importante de la société.
Alors, chacun y va de sa petite phrase: “Snapchat c’est l’avenir de la presse”, “la réalité virtuelle c’est l’avenir du contenu”, “on va hacker le marketing”… Loic Prigent nous fait rire sur avec les perles distillées dans l’univers de la mode mais je pense qu’on pourrait rire en reprenant les phrases de certaines personnes aussi dans le marketing (je dois être moi même l’auteur de plusieurs d’entres elles)…. Les consommateurs ont changé, ils ont des usages, des attentes, une compréhension du monde et plus spécifiquement du marketing qui a changé.

Une transformation sociétale à travers l’usage du digital

[…]

Prendre le problème par la technologie est, quelque part, se tromper de combat.

Prenons en 4 qui me semblent majeures :

1.     Le rapport consommateur / marque plus équilibré
A force de 50 années de marketing dans les médias de masse, les consommateurs ont intégré les rouages du marketing, ils le comprennent beaucoup mieux et sont critiques.Le digital leur permet de modifier totalement le rapport qu’ils ont aux marques car ils peuvent chercher en ligne, comparer, trouver moins cher, discuter avec d’autres consommateurs, s’organiser, remettre en question les marques ect…
Ils sont informés en temps réel et peuvent jouer d’un contre pouvoir avec les marques qui craignent un “bad buzz”. Ils souhaitent une forme de transparence désormais et armés d’un téléphone et d’une connexion, rien ne peut les arrêter. C’est ce rapport nouveau auxquelles les marques doivent s’adapter même Google (même si la controverse est discutable).

2.     Les consommateurs plus forts ensemble
Le digital a permis aux consommateurs de trouver des solutions ensemble, il a fluidifié les rapports, les conseils…. On peut facilement trouver comment faire tout ce que l’on souhaite nous même, la tendance du DIY n’est plus à démontrer par exemple. Mais plus que cela, ce que l’on nomme l’économie collaborative (j’ai mis en lien mon slideshare sur le sujet) a permis aux consommateurs de se passer des marques. La blockchain s’inscrit d’ailleurs dans cette même logique mais en remettant en cause, cette fois çi, les institutions.

3.     Un nivellement des goûts et des avis
Thomas Friedman du New York Times le disait il y a quelques années déjà dans son livre « Le monde est plat ». Dernièrement, un billet vraiment pertinent a mis en avant de quelle manière il n’y avait plus aucune différence dans le design des intérieurs entre l’Allemagne, la Corée, les Etats Unis ou autre. En cause, Airbnb, Pinterest ou encore Instagram qui distillent des images qui sont “globales” et dictent au monde comment décorer son intérieur. Cela peut évidemment être prolongé sur les avis sur différents sujets d’autant plus avec la “filter bubble” que critiquait Eli Parizer il y a déjà quelques années et qui a trouvé résonance dans l’Edgerank de Facebook et partout où les algorithmes font leurs travail.
C’est aussi ce que soulignait cet article du Monde. (même si la controverse est discutable).

4.     Des attentes qui ont fortement évoluées.
Les Gen Z en particulier ne s’intéressent plus à la possession mais à la jouissance à un moment donné et à l’expérience qu’un produit peut leur permette d’obtenir. Une dimension définitivement servicielle que les marques doivent désormais intégrer dans leurs offres. Ils attendent également des marques plus engagées socialement, responsables et attendent une forme de transparence comme le propose des marques comme Everlane, Made, Jimmy Fairly ou encore les jeans avec DSTLD.
Ils se sentent également citoyens du monde et le digital a participé à faire disparaître ces barrières devenues plus ou moins obsolètes ce qui implique des attentes servicielles internationales. Ce qui est intéressant, c’est que cette transformation des attentes s’est largement accélérée et l’intégration des innovations technologiques par les consommateurs également.
Dès lors, c’est d’autant plus difficile pour les marques de rester dans la course. Nos métiers sont redevenus vivants et il faut mettre en place un système de mise à jour permanent pour les équipes désormais.

Un besoin de transformation certes mais…

Il ne s’agit évidemment pas de courir après la dernière étoile filante technologique mais plutôt de se mettre d’accord en interne à tous les niveaux de l’entreprise sur une vision commune de la société et de la marque et d’intégrer le digital comme on mettrait de l’huile dans un moteur pour fluidifier l’interne comme l’externe.

D’acculturer donc avant tout.
Sans briser les silos (c’est illusoire), de permettre (en réalité de contraindre) les services à travailler ensemble comme par exemple l’IT et le marketing. Et enfin d’innover en appliquant une méthode lean, c’est à dire d’essayer et d’ajuster au fur et à mesure.

Travailler autrement donc.
Ce sont les enjeux auxquels doivent faire face les entreprises et ils sont plus profonds qu’une simple mise à jour des outils utilisés. In fine, il ne s’agit pas d’intégrer le digital mais d’intégrer le consommateur digitalisé.

Bravo. Merci.
++

Le digital en 2015 : on anticipe, on laisse venir ou on laisse tomber ?

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Ce blog a beau être un joyeux bordel (c’est vrai), chaque année à la même époque, j’y présente mes vœux pour la nouvelle année (rétro en pied de ce billet). Ma méthode est simple : je trempe une belle boule de café dans du marc de cristal. Pas compliqué.Pour 2015, une chose est sûre : le digital va continuer à croître et prendre de plus en plus d’importance. Face à ce développement, trois attitudes :

1 – On anticipe
C’est la meilleure des attitudes possibles. On prend les devants et on explore de nouvelles pistes pour développer de nouveaux axes. On part à l’aventure en essayant d’aller chercher avec les dents s’il le faut de nouvelles pistes de croissance et de développement.

  • Point positif : on ne risque pas de s’ennuyer.
  • Point négatif : ça coûte du temps, et donc de l’argent.

2 – On laisse venir
C’est la plus compréhensive des attitudes. On conserve ses fondamentaux, tranquillement. En tant de crise – car elle est partie pour durer – c’est la plus évidente. Faire. Et laisser dire. En attendant des jours meilleurs.

  • Point positif : on ne risque pas de faire de conneries.
  • Point négatif : qui n’avance pas, recule.

3 – On laisse tomber
C’est la plus économique des attitudes (à très court terme). On laisse tout tomber en espérant qu’une fois la crise passée, on pourra de nouveau se contenter de son petit site et de sa page Facebook mise en ligne par le petit cousin en octobre dernier. C’est de très très loin l’approche la plus risquée car ne plus être en mouvement sur le digital équivaut à une mort clinique proche du coma artificiel.

  • Point positif : on fait des économies sur les six premiers mois.
  • Point négatif : on dépose le bilan en 2016.

Rétrospective

Trois questions pratiques à l’usage des chefs d’entreprises qui considèrent le numérique comme une priorité essentielle pour 2015 mais qui, concrètement, se demandent comment faire ?

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Il n’existe – malheureusement – pas de solution unique et toute faite pour intégrer de façon transparente le numérique dans votre entreprise. Il existe en revanche des éléments intrinsèques à toutes les stratégies numériques efficaces. Pour faire simple, vous avez besoin d’une vision qui se concentre sur l’essentiel à savoir :

  1. Définir votre investissement pour le numérique sur un an (minimum)
  2. Bâtir l’infrastructure d’analyse pour comprendre la portée de votre investissement
  3. Intégrer progressivement une culture de l’innovation dans votre organisation.

Une stratégie numérique solide commence donc systématiquement avec un plan et une bonne compréhension des réalités pratiques de mise en œuvre. Chacun des éléments – stratégies d’entreprise, attentes des clients, modèles d’exploitation, cibles – se façonneront mutuellement. Et n’oubliez pas : une once de pratique vaut mieux que 1000 volumes de théories.

Empirisme numérique

A l’heure où un bon paquet de baltringues consultants s’auto-proclament “experts” en stratégie numérique (ou digitale), il me semble opportun de rappeler deux trois trucs.

Qu’est-ce que l’empirisme ?
L’empirisme désigne un ensemble de théories philosophiques qui font de l’expérience sensible l’origine de toute connaissance valide et de tout plaisir esthétique. Défendu principalement par les philosophes Francis Bacon, John Locke, Condillac, George Berkeley, David Hume et des scientifiques comme Ibn Al Haytham, l’empirisme considère que la connaissance se fonde sur l’accumulation d’observations et de faits mesurables, dont on peut extraire des lois générales par un raisonnement inductif, allant par conséquent du concret à l’abstrait.

L’empirisme a des implications non seulement en philosophie et épistémologie, mais aussi en divers domaines d’étude : logique, psychologie, sciences cognitives et linguistique en particulier.

Je complète allègrement Wikipedia en y rajoutant : le numérique. En mutation perpétuelle, le numérique cadre mal avec les enseignements “traditionnels”, des cursus sur 5 ans, où ce que l’on a appris la première année risque fort d’être carrément obsolète la deuxième. L’idée, donc, est plutôt de faire confiance aux vieux singes qui, même s’il n’ont pas 25 ans, connaissent depuis des années les dossiers, le suivi, les erreurs et les méprises que l’on accumule au fil de nos expériences professionnelles.

Un aveugle ne peut pas concevoir les couleurs.

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Francis Bacon, père de l’empirisme moderne – Wikimedia Commons

« On ne peut se contenter de proclamer qu’un produit est bon. Il faut lui donner une âme »

Cette petite phrase mérite que l’on s’y arrête quelques instants.

D’abord parce qu’elle est signée Paul Ricard, l’inventeur du Pastis de Marseille, 2e groupe mondial de vins et spiritueux.

Ensuite parce qu’elle correspond pile-poil à ce qui fait le quotidien de mon travail : donner une âme aux entreprises/collectivités qui travaillent avec moi.

En effet, moins qu’un produit ou une entreprise, c’est bien une histoire qu’il faut raconter. À la pointe de l’art de la publicité et du marketing de son époque, Paul Ricard a tout de suite associé sa marque à la ville de Marseille. Son slogan « Ricard, le vrai pastis de Marseille » reste encore aujourd’hui un cas d’école pour les professionnels.

Sinon rien.