Think Small

Pour stimuler notre réflexion, prenons à rebrousse-poil une vision courante du numérique, fréquemment associé à sa taille mondiale, ses géants, la démesure des chiffres qui le décrivent, qu’il s’agisse de performances techniques (illimitées), de volumes de données (très gros), de capitalisations boursières (considérables) ou d’impact sur la société (une révolution, on vous dit). 

Prenez une certitude numérique, demandez-vous si le contraire est vrai aussi : il ne faut pas longtemps pour mettre en doute cette exclusivité du big, pour constater que si les petits veulent devenir grands, les grandes organisations sont fascinées par l’agilité des petits innovateurs, pour se souvenir que la massification du numérique a commencé par la micro-informatique et pour se rendre compte que les « grands projets » sont peut-être un modèle du passé.

La question des échelles et de leur articulation est plus complexe qu’il n’y paraît. A y regarder de plus près, les schémas de pensée dominants sont marqués par la verticalité, celle du « macro » qui domine le « micro » ; si elle a évidemment de bonnes raisons d’exister, cette description n’est pas la seule possible : il en existait d’autres avant l’arrivée du numérique, et il semble que le numérique en facilite également de nouvelles. Nous faisons le pari que cette exploration de la petite échelle ouvre de nouveaux horizons, qu’elle permet de conduire un parcours de prospective intéressant et de renouveler ainsi les stratégies. Après tout, si ça se trouve, mises en communs, chacune de nos expériences, regroupées sur une plateforme, au moins de réflexion, ça peut donner quelque chose.

Extrait de la Fing, Cahier d’enjeux “Questions Numériques” Think Small, 2017. Le visuel est de Bill Bernach, inventeur de la publicité moderne on va dire et père du : “less is more”.

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Mon itw dans le magazine de l’Agglo + trois préconisations concrètes et pratiques pour favoriser le digital niortais

À l’issue de 10 mois de travail, le CDCAN a produit un rapport à l’attention des élus de la CAN sur les enjeux du numérique pour les entreprises du Niortais. Objectif : faire émerger des préconisations pour mieux accompagner les entreprises dans leur nécessaire transition numérique. Une enquête a été menée dans une vingtaine de structures. Jean-Christophe Gilbert, vice-président du CDCAN, en charge de ce dossier, nous présente les conclusions du groupe de travail.

Territoire de vie : Que ressort-il de l’enquête que vous avez menée auprès des acteurs économiques niortais ?

Jean-Christophe Gilbert : L’analyse des entretiens permet de distinguer quatre types d’utilisation du digital : le numérique peut être au service de l’administration de l’entreprise, de sa communication, de son cœur de métier ou de sa stratégie de développement.

TDV : Toutes les entreprises ont-elles recours à ces quatre types d’utilisation ?

Jean-Christophe Gilbert : Non. Si l’usage administratif concerne l’ensemble des structures auditionnées, la place consacrée au numérique dans la stratégie de développement est très différente suivant les entreprises. Certaines prévoient chaque année un budget dédié à leur transformation numérique, mais d’autres continuent d’appréhender ces nouveaux usages au fil de l’eau, sans planifier les évolutions à venir.

TDV : Au terme de votre réflexion, quelles sont donc les recommandations du Conseil de Développement ?

Jean-Christophe Gilbert : Le CDCAN présente 3 préconisations.

  1. La première est fondamentale pour l’avenir économique du territoire : accélérer le déploiement du Très Haut Débit sur toute l’agglomération.
  2. Créer un lieu dédié au digital permettant l’accueil de start-up, intégrant un « guichet unique » du numérique (espace de ressources et d’accompagnement des entreprises dans leur transformation numérique) et capitalisant sur le réseau de compétences existant.
  3. Développer la formation supérieure aux métiers du numérique sur la CAN avec notamment la mise en place d’un pôle de formation adapté aux besoins des entreprises.

Tout le détail de l’étude est en ligne ici

Pourquoi une Progressive Web App ?

Une démarche Mobile First
Développer une Progressive Web App s’inscrit dans une démarche de Mobile First. L’idée est simple : proposer aux utilisateurs une expérience mobile complète quels que soient le navigateur utilisé et l’état de la connexion. Pour cela, il faut séparer le fond (le contenu) de la forme (la présentation et les fonctionnalités) afin de se concentrer sur l’essentiel. Ensuite, on ajoute progressivement des nouvelles fonctionnalités. Aujourd’hui, le Mobile First est le nouveau paradigme du webmarketing. Preuve en est avec le nouvel index Mobile First de Google (ou d’IBM), qui laisse place à l’index Mobile Friendly. Voici une bonne raison d’adopter les PWA.

Un expérience utilisateur optimisée et adaptée
En intégrant progressivement les fonctionnalités des applications natives, la Progressive Web App offre une expérience utilisateur optimale. Comme une app native, la

PWA

a accès aux fonctionnalités du smartphone (appareil photo, géolocalisation, notifications, …). Cela vous offre de nombreuses opportunités afin d’améliorer l’UX. On peut imaginer adapter la luminosité et les contrastes d’un site lorsque l’utilisateur se trouve dans un endroit sombre ou trop lumineux. Il est possible de lui envoyer une URL spécifique lorsqu’il entre dans une zone géographique précise. On peut adapter le contenu de la page lorsque le niveau de la batterie est faible. Les possibilités offertes par les PWA sont multiples et ne cessent d’évoluer.

Des retours d’expérience encourageants
Les premiers retours laissent entrevoir des résultats concluants. Les études de cas présentées ici par Google nous montrent que les Progressive Web Apps engendrent :

  • Une hausse des taux d’ouverture, de clics, d’engagement et de conversion
  • Une baisse du taux de rebond
  • Une hausse du nombre de pages consultées et du temps passé sur le site
  • Une progression du nombre de visites
  • Une amélioration du temps de chargement des pages.

Beaucoup d’opportunités pour les professionnels
Le simple fait de pouvoir accéder à l’application en mode hors-ligne offre de nombreuses possibilités d’utilisation. Même sans connexion Internet, l’utilisateur peut retourner sur des pages précédemment visitées. Les notifications Push permettront de l’avertir d’une promotion ou de la disponibilité d’un produit. Tout cela va stimuler l’engagement et la conversion.

Alors, faut-il se précipiter sur les PWA ?
La Progressive Web App est une solution à considérer si vous avez besoin d’une interface mobile claire, rapide et interactive.

Les PWA ne vont pas complètement supplanter les applications natives ou le web mobile. Selon votre stratégie digitale et l’état de votre présence mobile, elles vont plutôt devenir soit complémentaires soit une alternative judicieuse s’agissant d’expérience utilisateur.

On peut envisager la Progressive Web App comme une interface qui prend le relais du Web mobile après qu’un utilisateur a découvert votre marque. Elle offrira des fonctionnalités supplémentaires que ne fournit pas le Web mobile. Puis, vient l’application native pour fidéliser les utilisateurs les plus intéressés.

Mais la Progressive Web App peut aussi dans certains cas remplir le rôle de l’application native tant les fonctionnalités sont de plus en plus proches. Des fonctionnalités qui ne cessent d’évoluer afin d’améliorer l’UX.

Alors, si vous voulez faire la différence et vous démarquer avant qu’elles ne se généralisent, vous pouvez dès à présent songer au développement d’une Progressive Web App.  

C’est mon nouveau métier, et j’en suis enchanté 🙂
++

Comme d’habitude, je cite ma source à savoir l’excellente Mélanie Harrouel dont le texte original est ici : https://www.powertrafic.fr/progressive-web-apps-web-mobile/

Jean-Christophe Gilbert : « Nous vivons notre première élection 2.0 »

Ce Niortais, entrepreneur du numérique de 53 ans, attend du futur président qu’il s’attaque au contrôle des géants du Web sur notre vie quotidienne.

Jean-Christophe Gilbert l’avoue, la campagne présidentielle le « fascine» : « Il n’est pas exclu que ni la droite ni la gauche ne se retrouvent au second tour, c’est sidérant.» A 53 ans, ce Niortais a créé il y a sept ans la société Weeeb, dans un secteur, le numérique, en pointe dans la capitale des mutuelles d’assurance.

Weeeb épaule entreprises et collectivités dans leur mue digitale. Une réalité directement connectée à l’actualité : « Trump, c’est l’élection du président Twitter, et la présidentielle est notre première élection 2.0. On a vu dimanche dernier François Fillon commencer à pratiquer lesfake news (fausses informations) en prétendant que la presse avait annoncé le suicide de son épouse. C’est une tactique politique redoutable. Tout cela était encore inconcevable il y a cinq ans, où la campagne était bien plus angélique.»

« Je n’ai pas arrêté mon choix »

Qu’espère ce quinqua entrepreneur pour sa vie de tous les jours ? Plus de liberté, répond-il illico. « Dans la devise de la République, c’est le mot que je prends en premier.»

Concrètement, Jean-Christophe Gilbert attend du futur locataire de l’Élysée qu’il prenne à bras-le-corps la question du contrôle de nos vies privées par les géants du Web, Google, Apple ou Facebook. « On est suivi partout et tout le temps. Il est fondamental que nous conservions nos droits citoyens et républicains. Et la seule réponse, elle est politique et européenne. Le digital a besoin d’une politique publique forte.» Les technologies futuristes au cœur de son métier, ne lui font pas oublier ses classiques : Voltaire et les Lumières.

De quel candidat attend-il quelque chose ?
Il juge que Jean-Luc Mélenchon, dans le domaine de la liberté digitale, formule des propositions intéressantes, tout en penchant plutôt vers Emmanuel Macron. « De toute façon, je n’ai pas arrêté mon choix, si ce n’est que je ne voterai pas pour le poison Marine Le Pen. Je vais attendre les échanges entre les candidats lors des débats

Lui qui a plutôt toujours voté à gauche, veut juger sur ce qu’il y a à l’intérieur du paquet politique plutôt que sur l’emballage. « Quand on a six millions de personnes sous le seuil de pauvreté et un chômage endémique, il faut arrêter les postures.» Et, dit-il, « quel que soit l’élu, c’est nous tous qui ferons que la France s’en sortira. Pas une figure tutélaire du type De Gaulle



Lien vers l’article : Jean-Christophe Gilbert : « Nous vivons notre première élection 2.0 » (lanouvellerepublique.fr)

Les nouveaux business models fondés sur les plateformes

C’est sans doute la plus grande mutation macroéconomique depuis la révolution industrielle : les nouveaux business models fondés sur les plateformes. Airbnb, Amazon ou Google en sont les exemples emblématiques. Ces « digital natives » sont des précurseurs mais toute entreprise, dans tout secteur d’activité, doit désormais se poser la question de sa stratégie de plateforme : quelles sont les options pour se positionner ? Comment initier cette stratégie pour ne pas passer à côté d’opportunités ?

L’économie des plateformes est une question technologique mais, surtout, stratégique. Les API (Application Programming Interface) permettent d’ouvrir les systèmes d’information et de matérialiser ainsi une vraie collaboration sur une plateforme technologique entre fournisseurs, distributeurs, partenaires… qui construisent une offre commune pour des clients.

Un cas extrême est le modèle d’Airbnb, qui ne possède aucun actif : cette plateforme sert d’intermédiaire entre des propriétaires de biens immobiliers à louer et des voyageurs. Cette tendance à la « plateformisation du business » nécessite bien sûr une technologie digitale innovante. Mais Airbnb est allé plus loin, en proposant une forme inédite d’intermédiation, à la fois plus pertinente et innovante que ce que proposaient les agences de voyage en ligne, il y a dix ou quinze ans.

Etre ou ne pas être plateforme

Comment le secteur de l’hôtellerie se positionne-t-il par rapport à Airbnb ? AccorHotels, par exemple, a choisi d’inviter sur sa propre plateforme de réservations, accorhotels.com, des offres d’établissements indépendants pour enrichir le taux de couverture de son offre hôtelière sur la France et amplifier ainsi l’audience potentielle du site.

Dans tout secteur d’activité, ces nouveaux business models obligent les dirigeants à se poser des questions essentielles : comment positionner mon entreprise par rapport aux plateformes ? Doit-elle devenir dans son ensemble, ou seulement en partie, une plateforme ? Ou doit-elle interagir avec des plateformes existantes ou à venir ?

Prenons le cas de la filiale low cost d’Air France-KLM, Transavia. Devenir une plateforme de réservation de voyages n’est pas l’axe stratégique choisi par Transavia. En revanche, la compagnie aérienne veut intégrer ses services aux plateformes de voyages ou de déplacements. Dans cette optique, Transavia a investi pour faire connaître ses services de réservations, ses vols et sa politique de prix : une entreprise qui veut les inclure dans son offre en fait la demande et s’identifie sur un portail dédié. Transavia ne veut pas créer de plateforme mais veut tenir sa place dans les écosystèmes de partenaires valorisés par les plateformes en devenant une « easy to do business with » compagnie.

Les assureurs mènent une réflexion similaire pour ne pas rater la prochaine plateforme innovante de co-voiturage, du type BlaBlaCar. Dans un marché de l’assurance actuellement captif, les assureurs ouvrent et redéfinissent leurs services, pour couvrir des trajets en covoiturage à la demande.

S’associer pour innover et créer de la valeur

En résumé, il existe aujourd’hui deux grands types de plateformes :

– les plateformes sectorielles : elles excellent sur une niche et ne traitent qu’un secteur d’activité, comme Airbnb. Combien de temps une entreprise peut-elle vivre sur un marché de niche ? Ce débat sur l’avantage concurrentiel est bien antérieur à l’ère digitale et oblige l’entreprise à constamment innover.

– les plateformes intersectorielles : elles servent de socle pour créer des écosystèmes de partenariats entre entreprises, ou entre secteurs d’activité : une banque peut concevoir une plateforme de paiement et s’associer à un acteur de la grande distribution pour gérer son programme de fidélité.

L’ambition de la plateforme est une question stratégique. Pour les plateformes intersectorielles, c’est l’ampleur de l’audience et des partenariats qui crée la valeur. Ces derniers permettent d’accroître le volume de transactions et d’imaginer de nouveaux services tout en développant une très forte connaissance utilisateurs.

Prenons l’exemple de l’Internet des objets. Pour fonctionner, les objets connectés de toutes sortes (qu’ils soient associés à une voiture, à une chaudière, à une montre…) interagissent avec des plateformes technologiques. Hébergées dans le cloud, ces plateformes traitent toutes les données issues des objets et fournissent de nouveaux services à partir de ces données. La voiture connectée est aujourd’hui devenue un standard, quelle que soit la marque. Le facteur de différenciation est désormais plutôt de savoir si la voiture est connectée aux services de péage de Vinci, aux autres plateformes chères aux utilisateurs, comme Deezer ou Spotify, ou si elle sait combien de places sont disponibles sur le parking du supermarché ? C’est donc par le biais de partenariats que la voiture connectée crée des services à valeur ajoutée.

Acquérir l’agilité d’une approche « Lab »

Pour trouver et maintenir sa place dans l’écosystème des plateformes, l’entreprise doit cultiver deux forces : l’agilité et la rapidité d’exécution. Elle doit s’interroger régulièrement sur la pertinence de son positionnement, savoir le faire évoluer et s’adapter en permanence : autrement dit, appliquer le « test and learn » à toute l’organisation. Certains financements seront peut-être investis à perte car il faut accepter de se tromper. Cette approche de type « Lab » est efficace pour avancer. Et lorsque ce Lab a démontré sa capacité à générer de nouveaux revenus, il rejoint le cœur de métier de l’entreprise.

BMW Labs permet aux propriétaires de BMW d’expérimenter et de bénéficier de nouveaux services rendus par la voiture connectée. Pour ce faire, BMW Labs a récemment signé un accord avec IFTTT (If This Then That) : cette plateforme innovante et simple à utiliser crée des interactions inédites entre un grand nombre de partenaires pour développer des services à valeur ajoutée. Par exemple, en utilisant IFTTT, un conducteur de BMW peut recevoir dans sa voiture les grands titres du New York Times dès leur publication. Les conducteurs de BMW eux-mêmes sont sollicités pour être des « ß-testeurs » de ces nouveaux services.

Les plateformes sont le socle d’une nouvelle forme de création de valeur dans l’économie digitale. Chaque entreprise doit déterminer sa stratégie de plateforme, ne serait-ce que pour trouver sa juste place dans des écosystèmes pilotés par d’autres entreprises. Ou pour simplement prendre une position défensive. Adopter ces nouveaux business models ne signifie pas abandonner les anciens qui s’appuient sur une chaîne de valeur éprouvée, et qui représentent de solides fondations pour construire ces plateformes. Une entreprise comme Philips, par exemple, qui a lancé HealthCareSuite avec ses partenaires pour améliorer le suivi des patients, reste d’abord un fournisseur de matériel médical.

Plus de chroniques de :

Pascal Delorme

Manifeste pour le numérique français

L’élection présidentielle de mai 2017 est, semble-t-il, marquée par un degré d’incertitude inhabituellement élevé. Non pas qu’en la matière notre pays soit toujours l’exception que l’on veut bien croire. A cet égard, nul ne conteste que l’année récente a été riche en surprises électorales : décision surprise des britanniques de quitter l’Union européenne, élection assez inattendue de Donald Trump.

Numérique, clé du retour de la croissance

Ces incertitudes politiques étant ce qu’elles sont, qu’il nous soit permis, entrepreneurs de l’économie numérique, de formuler une conviction forte et un souhait résolu. Nous avons la conviction que le numérique est la clé de la restauration d’une croissance digne de ce nom dans notre pays, capable de faire enfin durablement reculer le chômage. Notre souhait, c’est que les autorités politiques que les français choisiront regardent le numérique non pas comme une menace pour nos emplois, nos libertés, voire notre souveraineté, mais comme ce qu’il est : une fantastique opportunité. Nos expériences nous en convainquent : la France dispose d’atouts clés pour faire naître les futurs leaders de l’économie numérique et tirer parti des immenses bénéfices que le numérique est capable d’apporter.

Des efforts importants

Naturellement, une telle évolution ne se fera pas de manière spontanée. Elle nécessite des efforts importants, au moins dans deux directions.

En premier lieu, la France doit se rendre attractive. N’en déplaise aux thuriféraires du protectionnisme, la France, et en son sein les différentes villes labellisées French Tech, sont en compétition féroce avec d’autres pays et villes d’Europe. A ce jeu, Londres, Stockholm ou Berlin se sont mises au diapason. Elles attirent start-uppers, capitaux-risqueurs, chercheurs : en un mot elles ont su créer des écosystèmes numériques incitatifs et innovants. En fait d’attractivité, la France dispose aussi d’atouts incontestables : un niveau d’éducation très élevé, des ingénieurs pointus, une qualité très grande des infrastructures, une connectivité très haut débit à des coûts parfaitement compétitifs, etc.

Mauvais signaux

Pourtant, ce tableau positif a son revers. Les dirigeants français ont envoyé quantités de signaux aux effets désastreux pour l’attractivité de la France. Parmi eux, citons, entre autres, le rachat bloqué de Dailymotion, les discours agressifs à l’égard d’acteurs numériques internationaux majeurs dont le seul tort était d’être étrangers. Citons également l’opiniâtreté à cadenasser le numérique dans des dispositifs fiscaux hasardeux comme la fameuse « taxe Google ». Citons toujours la taxe « robots » chère à Benoit Hamon.

Ce recours incessant à la taxe, comme solution à tous les maux, est désastreux. En ce qui concerne les robots, qui arrivent dans quantités de métiers, qui ne voit pas qu’il s’agit d’un vecteur essentiel de modernisation, dont nous ne devons pas avoir peur, et qui, à l’évidence, apportera de nouvelles richesses, et in fine plus d’emplois ? Naturellement, comme toute innovation majeure, pour être socialement acceptés, la valeur ajoutée créée, qu’elle le soit par le numérique ou par les robots doit faire l’objet d’un partage socialement équitable. Mais il conviendrait de porter sur cette nouvelle économie un regard neuf plutôt que de la contraindre à se fondre dans un cadre fiscal ancien.

Offrir un cadre législatif favorable

En second lieu, la France, et l’Europe dès lors que les mesures envisagées entrent dans le cadre de la régulation communautaire, doit s’efforcer d’offrir un cadre législatif favorable à l’économique numérique. Le propre de l’action normative est de s’adapter à une réalité économique en évolution permanente. Dans le cas du numérique, les mutations se succèdent à un rythme effréné dont il faut tenir compte. Des principes simples plutôt que des formules toutes faites sont nécessaires en la matière.

D’abord, la circulation des données doit être libre. L’on conçoit immédiatement le cortège d’objections qu’une telle position de principe suscite. Pourtant la donnée n’est rien d’autre qu’une information. Imagine t’on bloquer ou taxer la circulation de l’information. Vouloir bloquer la circulation des données démontre soit l’illettrisme numérique de nos dirigeants soit une pensée profondément liberticide. La liberté de circulation de la donnée doit être garantie au même titre que liberté de circulation de l’information.

Ensuite, la création d’un environnement interconnecté et ouvert. L’espace numérique est, par nature, ouvert, plastique, en perpétuelle mutation. C’est un lieu de rencontre et d’échange, un bouillon de culture pour les créateurs de tous horizons qui viennent proposer leurs idées et s’enrichir des idées des autres. Un tel espace doit être interconnecté et ouvert afin que tout un chacun puisse partager et aller vers les contenus en ligne qui l’intéressent. C’est la raison pour laquelle certaines idées telles que le contrôle éditorial sur les plateformes d’hébergement, qui fleurent bon le temps de l’ORTF, sont tout simplement obsolètes.

On le voit, le chantier est immense et prometteur. A l’heure où les candidats à la présidentielle font assaut de modernité, nous formons le vœu que tous et toutes comprennent que cadenasser l’économie numérique n’apporterait que des déconvenues et viendrait gâcher le formidable potentiel de la France en la matière.

Par Bruno Walther, président-fondateur de Captain Dash

Selon les estimations, l’IA devrait faire disparaître de 10 à 50 % des boulots actuels dans le siècle à venir :(

Le docteur Laurent Alexandre, fondateur de Doctissimo, a alerté le Sénat sur la révolution de l’intelligence artificielle en France dans le siècle à venir.

Pour une fois, on aura entendu une réflexion sur l’intelligence artificielle (IA) dénuée des fantasmes habituels d’extinction de l’espèce façon Terminator ou, autre classique, du fantasme de la singularité, ce moment où l’IA accéderait à la conscience de soi. Lors de l’audition publique organisée par le Sénat jeudi 19 janvier en compagnie de politiques et de penseurs de l’intelligence artificielle, l’exposé du docteur Laurent Alexandre a ramené l’IA sur Terre, dans la réalité économique et sociale des décennies à venir. Car plutôt que de nous parler immortalité ou hybridation biomécanique, le fondateur de Doctissimo, transhumaniste convaincu et désormais à la tête d’une entreprise de séquençage d’ADN, a dressé un constat très simple : l’IA s’apprête à défigurer le monde professionnel, et ni la France ni l’Europe ne semblent avoir prévu quoi que ce soit pour s’adapter aux nouvelles logiques de production qui définiront les décennies à venir.

En IA, nous sommes un pays du tiers-monde”, constate-t-il : nous exportons des cerveaux, notamment vers les géants américains Google, Amazon, Facebook et Apple (GAFA) ou, désormais, le bloc chinois (Baidu, Alibaba, Xiaomi), sans réfléchir à une stratégie d’avenir pour anticiper la révolution qui s’annonce. Économiquement, selon Laurent Alexandre, la situation est pourtant limpide. Dans un premier temps (maintenant, ou presque), l’IA sera “faible”, puis deviendra “semi-forte” dans quelques décennies. Mais comparée à l’intelligence biologique, elle sera toujours gratuite.

Et “lorsque quelque chose est gratuit, les substituts crèvent et les complémentaires augmentent”, explique l’intervenant. Là, Laurent Alexandre se fait prophétique et décrit une société française attentiste dans laquelle “tous ceux qui ne seront pas complémentaires de l’IA seront soit au chômage soit avec un emploi aidé”, tout en évoquant son scepticisme face au scénario, avancé entre autres par la secrétaire d’État Axelle Lemaire, selon lequel l’IA va au contraire créer de nouveaux métiers. Pour Laurent Alexandre, “la paupérisation relative de nos populations est une certitude”. Selon les estimations, l’IA devrait faire disparaître de 10 à 50 % des boulots actuels dans le siècle à venir.

Réforme urgente de la formation professionnelle

Très bien et merci pour la dépression à venir, mais concrètement, que fait-on pour remédier à cela ? Pour Laurent Alexandre, la priorité est de réorganiser à la fois l’école et la formation professionnelle, qui ne seront plus adaptées à un monde dominé par une IA, même “faible”. Le but : construire un système qui rende l’humain “complémentaire” de l’IA, alors que celle-ci – moins chère que les robots – devrait pouvoir occuper des professions hautement qualifiées comme la médecine ou la radiologie.

Selon l’entrepreneur, il s’agit là d’un chantier primordial, à étaler sur plusieurs décennies, qui permettra de réorienter les métiers hautement qualifiés vers plus de complémentarité, afin d’éviter une mise en concurrence de l’humain et de la machine. Pour Laurent Alexandre, si la classe politique ne prend pas immédiatement conscience de sa responsabilité, “dans cinquante ans on a Technopolis (sic) et dans un siècle on a Matrix”. Quant à la proposition du revenu universel de base, revenu sur le devant de la scène (et dans les programmes politiques) à l’aune du progrès technologique, le chercheur le balaie du revers de la main, arguant qu’il serait “suicidaire” de le mettre en place. Si les positions, parfois tranchées, de Laurent Alexandre au sujet de l’IA n’ont pas été partagées par tout le monde lors de ces auditions publiques, elles auront au moins eu le mérite d’interpeller nos parlementaires sur la nécessité de considérer l’IA pour ce qu’elle est vraiment – non pas une menace pour l’espèce mais un vecteur de transformation sociétale radical – et d’inventer des manières de résoudre les problèmes concrets qu’elle va bientôt poser.

Source : kombini.com

Les données personnelles, nouveaux « communs » pour ressourcer le mutualisme

Publié le 4 mars 2017 par Jean Louis Davet : Directeur général du groupe MGEN et du groupe ISTYA

En ce début de 21e siècle, nous assistons à un formidable renouveau des biens communs ou “communs”, porté par la révolution numérique en cours.

Historiquement, l’idée de “communs” remonte à une période où l’État moderne n’existait pas encore, dans un contexte essentiellement agraire. Deux types d’espaces coexistaient alors en fonction des droits coutumiers locaux : les terres relevant de la propriété privée, labourées, ensemencées, moissonnées, et les “communs” utilisables par tous pour trouver du bois, éventuellement chasser ou faire brouter les animaux. Le régime des “enclosures” à la fin du Moyen Âge, puis l’essor de la propriété privée au 17e/18e siècle, finit par faire disparaître une grande partie de ces biens communs.

Ces modes de fonctionnement et de régulation collective semblent aujourd’hui porteurs d’innovation à l’heure où des communautés créent des “communs” digitaux. Du développement des logiciels libres à la création de l’encyclopédie en ligne Wikipédia, les communs sont remis au goût du jour.

Car une nouvelle génération d’acteurs, portée par la culture issue d’internet, se réapproprie les valeurs portées par les “communs”. Décentralisation, horizontalité des relations, partage, accès aux savoirs et à la connaissance, culture de la contribution active font en effet partie du panthéon de valeurs des fondateurs du web. Ils ont inspiré notamment le mouvement du logiciel libre. Le mouvement fait tache d’huile en s’étendant à d’autres secteurs, comme la culture, voire demain les biens matériels par la révolution des imprimantes 3D.

À l’opposé d’une vision purement individualiste de la société, les communs fournissent une alternative à la marchandisation exclusive de la société. Ils permettent à des communautés locales ou virtuelles de se regrouper pour créer, préserver, maintenir ou développer une ressource collective. Car si la ressource elle-même est importante, la création de lien social se révèle décisive dans nombre d’approches. Contrairement au court-termisme ambiant, elles permettent aussi de penser le long terme ainsi que la transmission d’une ressource et d’un projet entre générations.

Nous assistons depuis à un foisonnement d’initiatives. Partout en Europe, des initiatives citoyennes et communautaires sont actuellement en cours afin de donner vie à des communs urbains, ruraux, scientifiques ou numériques. Des rapprochements et des convergences sont en cours. Une première Assemblée européenne des communs s’est d’ailleurs tenue en novembre dernier au Parlement européen, fédérant des acteurs venus de toute l’Europe.

Même si beaucoup reste à construire, l’idée de “communs” ou de “mise en commun” fait totalement sens dans l’univers des valeurs du mutualisme et doit interpeller tout groupe mutualiste en phase avec son temps. Tout comme la révolution numérique en général, ce mouvement nous invite à reconsidérer les voies et moyens de nos ambitions collectives tout en revisitant nos modèles entrepreneuriaux. C’est tout particulièrement vrai de nos mutuelles. Il nous faut renouer avec notre vocation originelle d’innovation sociale librement et collectivement décidée par nos membres. Communs et mutualité : utopie ou vision ?

Les mutuelles ont, elles aussi, vu le jour à partir de la mise en commun par un groupe d’individus, de certains aléas ou types de “risques” (santé, accidents, dommages matériels, etc.) à assurer et gérer collectivement.

Pour autant, au-delà de cet idéal collectif non marchand partagé avec les militants des communs, quelle ressource concrète une mutuelle serait-elle en mesure de développer pour que l’on puisse envisager de l’associer au mouvement des communs ?

Prétendre par exemple que le “commun” ainsi préservé et développé par une mutuelle santé est “la santé de ses adhérents” est certes séduisant, mais ne résiste pas à l’analyse. Les services et remboursements de soins opérés par la mutuelle contribuent certes à un meilleur état de santé des adhérents, mais la prétendue “ressource santé” reste très hypothétique dans la mesure où aucun adhérent ne confie réellement (en tout cas pas encore) sa santé à sa mutuelle, et l’implication de l’adhérent dans l’enrichissement de cette ressource au profit de la communauté des autres adhérents reste extrêmement limitée.

Il serait au contraire plus constructif d’identifier au sein de la révolution numérique et de la nouvelle vague de communs digitaux ce qui pourrait contribuer à l’émergence de nouveaux modèles d’inspiration mutualiste à même de répondre aux enjeux sociétaux façonnant notre avenir.

Pour une mutuelle, c’est le risque financier occasionné par la réparation des sinistres qui est dans les faits assuré. Ainsi, le type de risque sous-jacent (santé, etc.) et le périmètre des individus concernés (souvent par corporation ou territoire géographique) sont les deux facteurs qui ont circonscrit dès l’origine les périmètres “affinitaires” entre adhérents d’une mutuelle.

Dans ce cadre, les données personnelles des adhérents, souvent limitées à des caractéristiques socio-économiques enrichies de données actuarielles sur les sinistres, sont mutualisées afin de définir et calibrer les garanties assurantielles correspondant au risque couvert, et de déterminer leur tarif.

Les données personnelles, un nouveau commun

Mais cette logique est aujourd’hui en cours d’inversion : les données ne sont plus seulement l’un des outils permettant de mesurer et tarifer le risque que les adhérents cherchent à mutualiser.

Nos données personnelles, numériques ou numérisables, deviennent une ressource clé, d’une variété et d’une richesse potentielle inouïes.

Ne serait-ce pas là le véritable “commun” qu’un collectif pourrait souhaiter à la fois protéger, développer, réguler ? Il confierait cette ressource essentielle à une “organisation” qui en émanerait, charge à cette dernière de créer et proposer tous types de services désormais rendus possibles par le traitement approprié de ces données (comme les services de dépistage et de prévention, l’accession à une médecine personnalisée, des recherches médico-économiques ou sanitaires…).

Bien évidemment, cette utopie se heurte aujourd’hui à la réalité des cadres réglementaires français et européens sur les données personnelles et les données de santé, aux légitimes questions d’anonymisation et de sécurité, ainsi qu’au manque de maturité de la population sur ces sujets complexes et encore fort peu débattus publiquement. Pour autant, les réglementations évolueront, et gageons que nous saurons un jour trouver le bon équilibre entre la protection des individus et la liberté d’innovation indispensable au développement économique des nations.

Le changement de paradigme serait alors radical.

Les membres adhérents de cette organisation s’associeraient non plus pour couvrir prioritairement un risque donné, comme c’était le cas de nos mutuelles, mais pour bénéficier de tous les services imaginables à partir d’un large spectre de données qu’ils auraient collectivement et consciemment décidé de partager ensemble. 

La mutualisation porterait moins sur les risques sous-jacents à couvrir sur un mode assurantiel que sur le périmètre de données recueillant le consentement de tous les membres. Se formerait ainsi une communauté dont le trait d’union serait précisément l’acceptation éclairée du partage de ce périmètre entre membres.

De son côté, l’organisme collectif gouvernant, préservant et exploitant la richesse confiée, s’engagerait à expliquer intégralement tout l’usage qu’il fait de ces données et le détail des algorithmes qu’il utilise. Il n’aurait pas pour objectif de centraliser toutes ces données dans une même base, mais avant tout de faciliter la circulation des flux d’informations pour créer de la valeur pour l’individu et veiller à ce qu’il reste maître de ses informations.

Ses conditions générales d’utilisation (CGU) seraient enfin transparentes, aisément compréhensibles par tous les adhérents, et rompraient définitivement avec ce que l’on pourrait plutôt qualifier aujourd’hui de Capharnaüm Grugeant les Utilisateurs. La gouvernance des données pourrait même être conçue comme pleinement collaborative, basée sur des outils proposés par les CivicTech, garantissant ainsi tout à la fois transparence et fidélité aux choix des individus.

Considérer les données personnelles, ou plus vraisemblablement leur agrégation, comme un commun rendrait chaque membre de cette communauté légitime pour revendiquer le bénéfice de la richesse informationnelle ainsi créée.

Les informations rendues “signifiantes” devraient servir à leurs “propriétaires” pour qu’ils en tirent tout l’usage qui a du sens pour eux. Les individus pourraient ensuite exploiter et contrôler leurs données à leurs propres fins. Cette maîtrise par les individus de leurs données personnelles et de leur exploitation constitue l’ambition même du Self Data, dont différents modèles économiques font aujourd’hui l’objet de recherches et d’expérimentations.

De la mise en commun pleinement consentie à la réappropriation individuelle des données personnelles, la boucle serait bouclée au bénéfice de la collectivité et de l’individu.

Expérimentons de nouveaux “communs” !

Nos mutuelles peuvent renouer avec leur vocation originelle d’innovation sociale librement et collectivement décidée par leurs membres.

Par exemple, plus que tout autre type d’assureur, une mutuelle, dont les principes de gouvernance visent à circonscrire les divergences d’intérêt qui peuvent opposer actionnaires et clients, assureur et assurés, devrait théoriquement être en mesure de décider la restitution à chaque membre des données qui le concernent et de l’ensemble des enseignements tirés (modulo toutes les précautions d’usage en matière de responsabilité et de sécurité).

Le Self Data apparaîtrait ainsi comme une extension naturelle de la transparence qui doit être de mise entre la structure “mutuelle” et les individus qui y adhérent dans un objectif d’amélioration de leurs conditions de vie tant par des services que par des prestations d’assurance.

Mais les idées innovantes, les acquisitions de technologie, les réponses aux besoins exprimés ou pas encore exprimés, la conviction d’œuvrer pour le progrès social ne seront pas suffisantes.

Les modèles économiques restent à inventer dans un contexte concurrentiel tendu où les utilisateurs sont profondément atteints par le syndrome de la gratuité apparente.

Les modalités de gouvernance restent également à revisiter pour répondre à de nouvelles aspirations et à une complexité croissante de l’environnement.

La tâche est immense, les enjeux fondamentaux. C’est maintenant qu’il faut s’y atteler, notamment en expérimentant de nouveaux communs… et pourquoi pas en donnant de nouvelles formes et de nouveaux objets au mutualisme ?

Article publié sur le Cercle des Echos le 2 mars 2017

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