Un coup de frais venu d’Islande ? #politique #digital

C’est un cas unique dans le monde : en Islande, où des élections législatives se déroulent samedi 29 octobre, la star de la campagne a été le Parti pirate. La déclinaison islandaise de ce mouvement politique international, qui prône le libre-échange d’informations et la démocratie participative, récolte autour de 20 % des intentions de vote dans les sondages. Si ces derniers se confirment, elle devrait arriver en deuxième position, juste derrière le Parti de l’indépendance (conservateur), actuellement au pouvoir – une position de force pour monter une coalition de gauche.

Ailleurs en Europe, des déclinaisons locales de ce parti, résolument internationaliste, ont connu d’éphémères succès, notamment en Allemagne et en Europe du Nord. Mais c’est la première fois qu’un parti pirate est en position de diriger un pays. Tour d’horizon des principales mesures défendues par les pirates islandais.

Une nouvelle Constitution
C’est un prérequis pour les pirates : l’adoption du projet de nouvelle Constitution, validé par référendum en 2012, pour « mettre à jour la structure du gouvernement, obsolète ». Outre l’ajout de clauses sur la protection des droits de l’homme, ce texte dit notamment que les ressources naturelles de l’île, où la pêche et l’exploitation du sous-sol sont des clés de l’économie, sont des propriétés inaliénables de l’Etat.

Environnement
Le Parti pirate défend également une politique environnementale comprenant une réforme des quotas de pêche, la défense du développement durable et la taxation accrue des industries qui utilisent les ressources naturelles.

Fiscalité
Pour financer leur programme, et notamment la coûteuse réforme du système de santé, les pirates islandais comptent réformer largement le système fiscal. Au-delà des taxes sur l’utilisation des ressources naturelles, ils comptent adopter un système de taxation plus proportionnel et mener une vaste campagne de lutte contre l’évasion fiscale. Dans un pays lourdement marqué par la chute de son système bancaire en 2008 et les multiples fraudes commises par les dirigeants des principales banques du pays, ainsi que par les révélations sur les comptes extraterritoriaux de son premier ministre dans les « Panama papers », la question de la corruption et de l’éthique joue un rôle central. Le Parti pirate promet une transparence totale de l’administration et un renforcement du régulateur de la concurrence.

Economie
Dans le secteur privé, les pirates islandais défendent surtout une plus grande liberté individuelle, sans mesures phares.

Santé
Le parti propose la gratuité totale des soins et des médicaments, y compris les soins dentaires et psychiatriques. Il promet aussi un renforcement des moyens pour les travailleurs de la santé. Il défend une approche dépénalisée de l’addiction, mettant l’accent sur les soins et non sur la répression.

Droits de l’homme
Outre la création d’une commission de contrôle des activités de la police, le parti veut élargir la liberté de la presse – plusieurs mesures en ce sens ont déjà été prises sous de précédentes majorités. Pour défendre le « droit à la vie privée, en ligne et hors ligne », il souhaite abolir les lois qui permettent au gouvernement et aux entreprises privées de collecter et de stocker des informations personnelles sur Internet. Le parti prévoit de faire de l’Islande « un pionnier mondial dans la protection de l’information, de la liberté d’expression et de la liberté de la presse ».

Démocratie participative
Dans la nouvelle Constitution soutenue par le Parti pirate, les citoyens islandais peuvent proposer de nouvelles lois et mettre leur veto à un projet de loi. Le parti propose également de multiplier l’implication des citoyens dans l’élaboration des textes, en recourant notamment à Internet pour améliorer la participation.

International
Le Parti pirate souhaite organiser un référendum, déjà évoqué à plusieurs reprises, sur la poursuite des discussions en vue de l’adhésion du pays à l’Union européenne.

Source : http://www.lemonde.fr/pixels/article/2016/10/29/vie-privee-sante-democratie-participative-ce-que-prevoit-le-parti-pirate-islandais_5022359_4408996.html#xYqR5YsD2u00GkDZ.99

L’économie de la connaissance ou le fabuleux pari du digital

Les pionniers sont américains, mais le mouvement gagne toute la planète. 

Ce domaine, grandiose, ne se niche pas dans les méandres d’un esprit fumeux, pas plus qu’il ne peuple le petit monde sympathique des utopies. L’économie de la connaissance est déjà là, vivante, palpable, tangible, et si nous ne la distinguons pas, c’est que nous ne chaussons pas les bonnes lunettes. Un esprit aussi brillant qu’original a rédigé à l’intention des citoyens comme des responsables politiques une note lumineuse, une sorte de « traité pratique » de l’économie de la connaissance. Son auteur, Idriss J. Aberkane, un scientifique à peine trentenaire, spécialiste des neurosciences, accumule les références prestigieuses : chercheur à Stanford, ingénieur d’étude en biomimétique à l’École polytechnique, ancien interne du département de psychologie expérimentale de l’université de Cambridge (Royaume-Uni), pour faire court.

Même si les prémices de l’économie de la connaissance sont plus anciennes, Aberkane date le moment-clé d’une prise de conscience en 1977. Dans un fascinant discours prononcé peu de temps après son installation à la Maison Blanche, le président Jimmy Carter évoque la crise énergétique qui frappe alors de plein fouet les économies occidentales et il y glisse cette réflexion sibylline : si nous indexons le dollar sur les matières premières, son potentiel est grand, mais limité ; si nous indexons le dollar sur la connaissance, alors son potentiel est infini. Visionnaire, Jimmy Carter pressent les dangers et les limites d’une économie droguée aux matières fossiles et ouvre, l’air de rien, un nouveau paradigme. Le président prêche moins dans le désert qu’il n’y paraît. Dans la Silicon Valley, une poignée d’entrepreneurs partagent le même rêve. De Steve Jobs (Apple) à Sergueï Brin (Google), de Mark Zukerberg (Facebook) à Elon Musk (Tesla), ces « héros de la Valley » vont faire la démonstration que « la connaissance est de loin la ressource économique la plus essentielle à un pays ». Cette économie a bien d’autres lois, d’autres singularités.

D’abord, elle s’apprend en groupe. 

Jetant une jolie pierre dans le jardin de nos débats français du moment, Aberkane affirme que « la connaissance étant collégiale, il y a lieu de la partager en groupe, c’est-à-dire de construire l’éducation autour du groupe plutôt qu’autour de l’individu ». C’est tout un système et une pédagogie, hérités de la révolution industrielle et fondés sur l’évaluation individuelle que le chercheur appelle à transformer radicalement.

Enfin, ces collectifs, ces groupes doivent aussi pour réussir « partager une passion brûlante ». Pour sa démonstration, Aberkane a conçu une matrice qui combine les deux composantes entrepreneuriales : l’amour du métier (le « love »), et l’expertise du métier (le « can do »). Les entreprises les plus compétitives dans leur secteur font ce qu’elles aiment faire et ce qu’elles savent faire. Cette matrice définit ainsi quatre archétypes d’entreprises : le joueur « au-dessus de la mêlée » (love fort, can do fort), le « suiveur » (love faible, can do fort), le « Silican Garage » (love fort, can do faible) et « l’entrant forcé » (love faible, can do faible). Une conclusion enthousiasmante qui montre la suprématie de la compétence quand elle se conjugue avec le désir.

Source + intégrale : http://idrissaberkane.org/index.php/2015/11/18/leconomie-de-la-connaissance-une-histoire-damour-et-de-savoirs/ –  Article paru dans Le Monde le 28 mai 2015

UX design – relation client : même combat ?

J’avais causé le mois dernier d’UX Design en te donnant rendez-vous pour en recauser sous quelques semaines : nous y voilà. Ce qui prouve que ce blog est moins bordélique qu’il n’en a l’air 🙂 C’est important l’UX Design, très important même, car Pascal Demurger le classe en numéro un de son triptyque pour mieux réinventer son métier (ou périr).

Bon, quand tu tapes “UX Design” dans Google, tu tombes sur des centaines de milliers de sites, normal. Ça se corse quand tu vas sur la page UX Design de Wikipedia car, hormis la première phrase ou presque, on ne comprend plus que dalle. La voici :


L’expérience utilisateur (UX ou user experience en anglais) se réfère à l’expérience totale d’une personne utilisant un produit, un système ou un service particulier.

Définition de l’UX : actions et réponses qu’une personne trouve ou anticipe dans l’utilisation d’un logiciel, une application, un site internet voire tout produit.

Tout produit ? 

En fait il s’agit d’optimiser la conception d’un outil afin qu’il soit le plus efficace et le plus clair que possible. Le design, l’architecture/structure, l’interactivité, les possibilités offertes contribuent à offrir une bonne expérience de l’utilisateur: lorsqu’ils sont optimisés, l’utilisateur ira vite dans son travail, trouvera la réponse qu’il cherche ou le moyen de faire ce qu’il veut aisément, ce qui ne manquera pas de lui plaire.  Il continuera, par conséquent, à utiliser le système.

Mais cette définition un peu “abstraite” se concrétise très vite dans le quotidien de tout un chacun si l’on désigne l’UX design comme la relation client.

Il est donc indispensable, pour faire du design d’expérience, de prendre en considération les attentes mais aussi les réels besoins de tes utilisateurs.

Ce qu’a fait Heinz est un super exemple pour illustrer un bon design d’expérience.

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Je pique ce super exemple d’UX Design sur l’excellent article de notre ami David (auto entrepreneur indépendant) qui rajoute : “

A vrai dire, on s’en tape que la bouteille de ketchup ressemble à une bouteille (tant qu’on reconnait le produit). Ce que tu veux, toi, c’est ne pas avoir à jouer des maracas quand tu arrives à la fin du ketchup pour faire descendre ce qu’il reste. Il ne faut pas s’arrêter à un simple design de produit. Tu dois designer l’expérience. Et ça, la marque l’a très bien compris. C’est désormais plus pratique de remplir son hot dog de ketchup. En allant plus loin que l’apparence du produit, Heinz a réussi à créer une bonne expérience chez son consommateur.”

On avance sur l’UX Design, c’est bien.

Prendre conscience de la puissance et des dérives possibles des réseaux sociaux

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Ce type s’appelle Stéphane Fantini. Il est prof de français dans un collège (ou pas) . Il a posté cette photo ainsi que ce texte sur FB. C’est une excellente initiative pour démontrer la puissance phénoménale des medias sociaux. A l’heure où j’écris ces lignes, son post a fait l’objet de 

138 332 partages.

J’ai réalisé cette photo en classe pour que mes élèves de 4ème prennent conscience de la puissance et des dérives possibles des réseaux sociaux qu’ils utilisent tous.
Aidez-moi à les responsabiliser !

Pas de morale, mais une expérience de diffusion virale :
– mes élèves m’ont pris en photo en classe à la veille des vacances de la Toussaint (mardi 18 octobre)
– j’ai créé cette page et publié la photo
– je vous invite à commenter cette photo, puis à la partager à tout votre réseau, en l’incitant à faire de même
– à la rentrée (jeudi 3 novembre), nous verrons la puissance de diffusion d’une image sur internet

N’oubliez pas de commenter la photo, de la liker, d’indiquer votre ville et votre pays avant de la partager à votre tour… et de faire votre pronostic de likes au 3 novembre.

Merci pour votre contribution !

P.s.s n’oubliez pas de cliquer sur la photo pour mettre vos commentaires, sinon on ne verra pas d’où vous venez 😉
P.s le message provient de Grenoble en France et a été posté le jeudi 20 octobre 2016 à 19h43.

Obama, l’intelligence artificielle et les politiques français

Même si l’on ne comprend pas bien l’anglais “techno”, il faut lire l’entretien croisé entre Barack Obama et le directeur du MIT Media Lab Joi Ito publié par le prestigieux magazine techno américain Wired. Vue de notre côté de l’Atlantique, cette longue discussion a de quoi surprendre : le sommet de l’Etat maîtrise les débats que l’on pense réservés à une petite sphère technophile. Barack Obama y apparaît suffisamment à l’aise pour jouer avec les codes et les références culturelles des «geeks» les plus pointus. Elle surprend et permet surtout de mesurer le fossé entre deux façons de faire de la politique.

Au moment où le débat politique français tient pour summum de la modernité les mots «Uberisation» ou «écosystème des start-up», un futur ex-chef de l’Etat américain devise avec un patron du MIT sur les problématiques des intelligences artificielles, philosophe sur le pouvoir et le contrôle des machines, les normes, les genres… Quand en France, la différence fondamentale entre les candidats de droite repose sur la taille de la faux qu’il faudra utiliser pour sabrer dans les dépenses d’un Etat forcément obèse, Obama s’interroge sur le rôle de l’Etat et la hauteur de l’investissement dans la recherche. Pour vous donner une idée du vertige, il estime que le gouvernement américain pourrait investir 80 milliards de dollars dans la recherche dans l’intelligence artificielle. Soit, peu ou prou, ce que les candidats de droite entendent couper dans le budget…

Les différences ne s’arrêtent pas là. Nos politiques les plus technos fantasment sur les Gafa ? Le chef de l’Etat américain s’interroge sur le pouvoir des géants de l’Internet, l’intérêt général, le rôle de l’Etat au XXIe siècle, les nouvelles formes du travail, les nouvelles menaces… Quel grand écart entre ces deux mondes !

A l’heure des devoirs d’inventaire, il faut reconnaître qu’Obama a su accompagner son pays, en huit ans de mandat, dans le bouillonnement technologique. En 2008, quand il a remporté la présidentielle, les réseaux sociaux ne prenaient pas la place qu’ils ont aujourd’hui dans nos vies quotidiennes. Google n’avait pas 10 ans, Facebook et Twitter à peine 3 ans, Snapchat, Uber et Instagram n’étaient pas nés, etc. Si ce monde interconnecté ne nous a pas apporté tout le bien qui nous avait été promis, ces huit années ont engagé les Etats-Unis sur les rails d’une révolution constante dont on devine tout juste les contours.

Et la France ? Nos élus sont meilleurs pour deviser sur nos racines gauloises et expliquer la cohérence de leur action passée. A qui la faute ? Aux journalistes qui préfèrent les interroger sur ce qu’ils voient dans le rétroviseur plutôt que sur l’avenir du monde? Ou des politiques qui avouent avec une déconcertante fierté leur «37 ans de métier» (Nicolas Sarkozy, jeudi soir lors du débat de la primaire).

Connaître son histoire, l’analyser, est évidemment une nécessité constante. Assumer ses erreurs aussi. Mais s’il faut savoir répondre aux préoccupations du présent, on doit tracer les perspectives nouvelles. Où sont-elles dans le débat politique français? Et qui pour les porter avec l’acuité d’un Obama ? Nulle part, et personne. Il faut donc que les candidats à la présidence lisent cet entretien. Il faut que les journalistes lisent cet entretien. Il n’y a pas de honte à apprendre comment se dessine l’avenir du monde et comment on en parle à nos concitoyens.

Par Johan Hufnagel — 15 octobre 2016 – Source : Libé.fr

Ma conférence sur le numérique

Le numérique fait-il de nous des mutants ?
C’est la question qui nous est posée aujourd’hui par l’équipe de l’Université Populaire du Niortais. C’est une très bonne question. D’abord, qu’est-ce qu’un mutant ? Si l’on se réfère à Larousse.fr : « Mutant : se dit d’une cellule, d’un clone cellulaire ou d’un organisme dérivant d’une cellule qui a été le siège d’une mutation.». Il semble bien avéré que nous sommes un organisme. La question est donc : avons-nous déjà, par le passé, été le siège d’une mutation ?

La première partie de mon intervention sera consacrée au temps. Ensuite, je vous parlerai de l’espace. Mais pas de l’espace interstellaire, de notre espace de vie quotidien. Enfin, j’aborderai rapidement ce en quoi le numérique nous impacte d’un point de vue cognitif. Le mot cognitif me pose toujours quelques petites difficultés de compréhension. Il désigne notre rapport à la connaissance. C’est l’ensemble des grandes fonctions de l’esprit liées à la connaissance (perception, langage, mémoire, raisonnement, décision, mouvement…). Cognitif. Et puis, forcément, nous allons parler de numérique – ou de digital – nous allons donc forcément parler d’ordinateur.

  • Question : qu’est-ce qu’un ordinateur ?

Eh bien la réponse à cette question est très simple. C’est une machine qui est construite grâce à la réunion de deux éléments forts différents dont le premier est fait de métal que nos amis anglo-saxons appellent hardware. Des métaux usuels mais aussi des métaux rares (comme le silicium par exemple). Et, d’autre part, d’un élément qu’on pourrait appeler logiciel que nos amis appellent software. Le dur et le doux. Ces éléments logiciels étant des programmes. Programmes qui sont inscrits précisément sur les matériaux en question. Et donc qu’est-ce qu’un ordinateur ? C’est simplement le couple support-message. Support : matériel. Message : ensemble de logiciels.

  • Question : est-ce que – en tant que machine universelle – est-ce que cette machine est nouvelle ?

La réponse est oui. Non la réponse est non. Elle est nouvelle en ce qu’elle est universelle c’est la première définition que j’ai donnée. Mais au point de vue de la deuxième définition c’est-à-dire un couple “support-message” est-ce qu’elle est vraiment nouvelle ? Et la réponse c’est oui et non. Pourquoi ?

1°) Du point de vue du temps
J’ai posé la question « est-ce que c’est une machine nouvelle ? » et j’ai dit oui et non. Je vais essayer d’expliquer pourquoi j’hésite. Parce que lorsqu’on considère ce couple “support-message” on s’aperçoit très vite que l’ordinateur est un avatar de ce couple “support-message”. Mais que auparavant ce couple “support-message” existait depuis très longtemps. Depuis que l’homme est un homme. En effet, si on prend des milliers d’années de recul, on s’aperçoit qu’il fut un temps qu’on pourrait appeler l’âge oral ou l’époque orale, où la communication entre les hommes se faisait au moyen du langage et spécialement du langage oral. À cette époque, le support matériel était le corps de l’orateur (disons le mien, aujourd’hui) et le message était donné par la voix, c’est-à-dire les ondes sonores qui traversent l’atmosphère et qui parviennent à vos oreilles. Le couple “support-message” était installé déjà dans la communication humaine à cet âge oral.

Et soudain, dans le croissant fertile, du côté de l’Asie au premier millénaire avant J.-C apparaît une sorte de séisme extraordinaire dans ce couple “support-message” c’est l’invention simplement de l’écriture. Alors le support matériel se transforme. Le support matériel n’est plus le corps humain, celui de l’orateur, de l’aède, du chanteur ou du griot africain. Le support va devenir matériel c’est-à-dire du marbre, du bronze, puis, peu à peu, de la peau de veau, du vélin, de la peau de mouton du parchemin, du Byblos, du papier : voilà le support matériel. Et l’écriture va devenir le logiciel en question. Donc le couple “support-message” a déjà au moins deux avatars premiers. À l’époque orale le corps et la voix. À l’époque écrite le support en question, qui peut varier selon les matières et l’écriture qui elle-mêmes varient selon qu’elle soient alphabétique ou autre.

Je voudrais essayer de décrire rapidement les extraordinaires innovations qui ont été induites par ce premier avatar. Ce passage du support corporel au support écrit. Du couple “support-message”. Les transformations vont être énormes. Elles vont toucher le droit. Le droit oral va devenir un droit écrit. Le serment va devenir la signature. La parole donnée va devenir l’acte. On appelle cela un acte notarié avec signature. Le droit va changer. La politique va changer. Un certain nombre de classes sociales vont se transformer avec l’arrivée des scribes et des experts. Et puis, surtout, la monnaie ! La monnaie qui va transformer complètement le rythme et la rapidité des échanges commerciaux. Puisque la monnaie va être écrite au lieu d’échanger des bœufs (quand vous dites capital n’oubliez pas que vous dites cheptel. Vous évoquez dans ce vocabulaire-là le début du troc, très lourd et très lent). Alors qu’avec l’arrivée de l’écriture, avec la monnaie, les échanges se sont fait plus rapides, plus souples, plus léger et plus immédiats. Bien entendu, dès l’arrivée de l’écriture chez nos amis Grecs : coup de tonnerre avec l’invention de la géométrie en terre grecque. Et coup de tonnerre encore dans les prophètes écrivains d’Israël avec l’arrivée du monothéisme, c’est-à-dire la religion de l’écriture. La religion du livre. Vous voyez que le spectre des changements au moment de la mutation du couple “support-message” est absolument extraordinaire.

L’innovation est gigantesque à ce moment-là.

Nous en avons une confirmation – extraordinaire également – dès lors que nous considérons qu’après ce premier avatar – cette première transformation du couple “support-message” – un troisième avatar va arriver entre le 15e et le 16e siècle. Au moment où on invente l’imprimerie. Arrivée de l’imprimerie qui change non pas le support matériel, mais les techniques industrielles d’impression du message sur le matériel. Ce changement de « logiciel » va induire exactement les mêmes transformation que dans l’Antiquité avec l’invention de l’écriture. Nous allons avoir du point de vue commercial l’arrivée des premiers traités de comptabilité à Venise. L’arrivée des premières institutions bancaires. L’arrivée sans doute d’un début d’idée démocratique, beaucoup plus avancé que celle des Grecs. La réforme au point de vue religieux et puis, surtout, l’invention de la science expérimentale qui est la seconde grande révolution concernant les sciences. Vous voyez donc que le spectre des changements est à peu près parallèle au spectre des changements de la première transformation du couple “support-message”. Et pour comprendre aujourd’hui les transformations induite par l’ordinateur (ou le numérique) que je viens de définir précisément comme un profil nouveau du couple “support-message” vous n’avez qu’à lire le spectre que je viens d’étaler devant vous. Les transformations vont toucher le droit ; vont toucher la politique ; vont toucher le commerce ; vont toucher la religion ; vont toucher la science ; vont toucher la pédagogie. Parce que j’ai oublié de le dire mais dès l’arrivée de l’écriture les Grecs ont inventé le terme de Païdeïa et à l’arrivée de l’imprimerie les traiter de pédagogie vont pulluler dès la Renaissance.

Par conséquent, les crises que nous vivons aujourd’hui ; les crises qui touchent la politique, qui touchent le droit, qui touchent la finance, le commerce, l’industrie, le travail, la pédagogie, l’université, les religions… ces crises là ne sont pas nouvelles. Dès lors qu’on a compris la loi des trois étapes. Dès lors qu’on a compris que le couple “support-message” réalise sa troisième mutation et nous en sommes précisément un moment où la transformation en question a lieu. J’ai dit tout à l’heure « oui c’est nouveau » mais peut-être pas si nouveau que ça. Voilà ce que je voulais vous dire du point de vue du temps.

2°) L’espace
Pour parler de l’espace je voudrais inviter ici, dans cette salle, l’héroïne préférée de Michel Serres qu’il appelle “Petite Poucette”. Cette “Petite Poucette” qu’il a appelée ainsi pour son habilité diabolique à envoyer des messages et des SMS grâce à ses pouces sur son mobile. Cette “Petite Poucette” qui tient en main cet ordinateur intégré à son mobile. Cette “Petite Poucette” qu’il aime tant et qui est pour lui l’héroïne des temps contemporains et sur laquelle il a écrit un super bouquin. Cette “Petite Poucette” a une devise. Cette devise concerne précisément la première partie de mon exposé, c’est-à-dire le temps. Lorsque nous parlons du temps, nous aimons dire « le temps présent ». Et j’ai parlé en effet du temps présent. J’ai parlé de maintenant. Maintenant c’est la troisième transformation du couple support message. Non non non non dit “Petite Poucette” ! Maintenant ne veut pas dire cela. Maintenant veut dire : « tenant en main ».

Maintenant = tenant en main.

Et voilà “Petite Poucette” avec son portable à la main qui déclare comme devise fondamentale : “maintenant tenant en main le monde”. Et, en effet, elle a raison de dire « maintenant tenant en main le monde » car il suffit de manipulation avec le GPS pour qu’elle ait à sa disposition tous les lieux du monde. Y compris ceux où elle n’est jamais allé et qu’elle ne connaît pas. Elle tient en main tous les lieux du monde avec Google Earth par exemple. Elle tient en main la totalité de l’information sur quelque sujet que ce soit avec Wikipédia et autres moteurs de recherche. Maintenant tenant en main le monde : tous les lieux, tous les gens, toutes les informations. Petite anecdote personnelle je suis allé cet été à Barcelone visiter la Sagrada Familia. Magnifique monument. On vient du monde entier pour le visiter. Tous les âges, toutes les couleurs, tout le monde est là. Et bien je peux l’affirmer : 100 % des visiteurs de la Sagrada Familia possèdent un smartphone. Pas compliqué.

  • Question : qui, dans le passé, pouvait dire « maintenant tenant en main le monde ».

Un empereur Romain ? Jules César ? Napoléon ? Staline ? Un milliardaire richissime ? En tout cas, une personne rare. Très très rare. On peut les compter sur les doigts de la main. Eh bien il se trouve qu’aujourd’hui, 3 750 000 000 de “Petite Poucette” peuvent dire : “maintenant tenant en main le monde”. Est-ce que je n’ai pas là en main quelque chose comme une innovation utopique ? Concernant la démocratie ? Utopie, certes, mais combien de nouveautés historiques sont nées d’une utopie ? Combien de révolutions ont été annoncées par des utopies de ce genre ? Voilà l’utopie de “Petite Poucette” de maintenant tenant en main le monde.

“Petite Poucette” je vais lui poser maintenant une seconde question après avoir entendu sa devise je vais lui demander : « Petite Poucette" donne-moi ton adresse ». “Petite Poucette” a probablement des grands-parents, et ils vont répondre : nous habitons en famille aux 47 rues des écoles à Aiffres 79 230 etc.… je vous demande de considérer avec moi cette phrase-là. Ce code : 47, rue des écoles 79 etc. C’est un ensemble de chiffres et de lettres qui se réfèrent à un espace donné, c’est-à-dire à un découpage de la France métropolitaine, découpage ensuite en département etc.… cette adresse « classique » se réfère un espace que nous connaissons parfaitement. C’est un espace géographique que les mathématiciens appelleraient volontiers un espace euclidien ou cartésien. Qui est référé à des ordonnées ou à des abscisses mais qui est essentiellement un espace métrique, un espace où la distance est mesurable. Cette mesure est assurée par les chiffres et les lettres de l’adresse en question. Donc, autrefois, avant “Petite Poucette”, nous habitions un espace métrique. Un espace défini par des distances et des mesures de distance. À cette adresse-là, nous ne recevons plus rien que de la publicité qu’on balance à la poubelle tous les matins… La vraie adresse maintenant c’est le portable ou l’adresse e-mail. C’est là, maintenant, que nous recevons les messages essentiels à la fois sur le portable ou sur l’e-mail ou sur le Facebook Messenger. Et continuons d’essayer de lire le code de cette nouvelle adresse soit le numéro de mobile 06 etc. soir l’adresse e-mail jc@tartempion.com…. Ce code-là se réfère aussi un espace donné. Lequel ? Il se trouve qu’aujourd’hui on peut appeler n’importe qui, à n’importe quel endroit, où que l’on soit. N’importe qui, à n’importe quel endroit, où que l’on soit. Par conséquent, cette nouvelle adresse ne se réfère plus à l’espace qui était la référence de ma première adresse. Et donc, j’habite un nouvel espace. Comment se définit cet espace là ? De façon très intéressante. Il n’est pas métrique. Il ne mesure pas les distances. Il ne faut pas dire que les nouvelles technologies raccourcissent les distances. L’âne ou la calèche raccourcissaient les distances. L’automobile raccourcit les distances. Le TGV raccourcit les distances. Le numérique les annulent. Les annulent.

Aujourd’hui, nous habitons dans un nouvel espace où je n’ai plus que des proches, des prochains, je n’ai plus que des voisins, il n’y a plus de lointains. Du coup, nous pouvons annoncer annoncer que nous avons changé d’espace, nous avons déménagé. L’humanité vient de changer d’espace. J’ai dit d’abord qu’elle venait de changer de temps, c’était ma première partie. Et maintenant, prenons conscience que nous avons changé d’espace que nous avons déménagé. L’humanité a déménagé.

3°) Et d’un point de vue cognitif ?
Nous sommes le matin, votre ordinateur est devant vous, posé, sur la table. Qu’est-ce que vous avez devant-vous ? Michel Serres résume ceci d’une phrase : « votre tête est sur la table ». Vous êtes « décapité ». En effet, qu’est-ce que la connaissance humaine ? Il existe de très nombreux traités de philosophie qui traitent de tout ça. C’est trois choses on va dire fondamentales : la mémoire, le message et la raison. Eh bien votre ordinateur possède une mémoire. Bien plus imposante que la vôtre. Il possède également un comportement rationnel et conserve et divulgue des messages. Est-ce nouveau ? Non : à l’arrivée de l’imprimerie, Michel de Montaigne avait bien dit qu’il préférait (tout le monde connaît ça par coeur)« une tête bien faite plutôt qu’une tête bien pleine ». Parce qu’avec l’arrivée du livre, il n’était plus nécessaire de connaître par cœur l’ensemble des écrits des auteurs, seule la référence devait être mémorisée afin d’aller chercher le livre sur l’étagère. Nous avons donc depuis bien des années externalisé nos facultés cognitives.

Cette externalisation de nos facultés ne date pas de l’ordinateur. La roue est une externalisation de la jambe, elle reprend le mouvement circulaire autours de l’articulation. L’homme est un animal dont le corps externalise ses fonctions pour en garder d’autres. Il mute. Le numérique est la plus formidable des externalisations de nos fonctions intellectuelles. Nous ne pouvons pas deviner aisément quel est le type de savoir qui va émerger de tout cela. Mais il va émerger quelque chose de totalement nouveau. Les conditions nouvelles de la transmission du savoir bouleversent notre organisation cognitive d’une manière fondamentale. Ce qui est sûr, c’est que la forme classique de la transmission du savoir, la forme scolaire et certains contenus également, sont aujourd’hui totalement périmés.

Pour conclure, je vous dirais qu’on a l’impression que tout bouge très très vite. C’est vrai. Et pour le vivre au quotidien depuis 20 ans environ dans le cadre de mon métier, je peux vous avouer une chose : c’est même pire que ça. Nous ne sommes qu’au début de quelque chose. Au tout début. C’est une chance on va dire « historique » pour nous que d’être contemporain et acteur de cette formidable mutation (mutant) globalement analogue à celle de l’invention de la roue et du feu pour l’humanité. Que l’on soit pour ou contre importe peu. Notre monde « mute ». Et donc pour revenir à la question posée : la réponse est oui : nous sommes bien des mutants. Même si l’on place – comme je viens de le chanter devant vous – cette mutation dans une perspective « historique », la révolution numérique a une vraie singularité par rapport à ses précédentes : c’est sa vélocité de mutation.

Facebook a été crée en 2004. L’iPhone est une gamme de smartphones commercialisée par Apple depuis 2007. 2007. L’iPad a été annoncée le 27 janvier 2010 par Steve Jobs. 2010. C’est hier, non ?

Steve Jobs qui nous envoie ce message dès 1997 : « À tous les fous, les marginaux, les rebelles, les fauteurs de troubles… à tous ceux qui voient les choses différemment — pas friands des règles, et aucun respect pour le statu quo… Vous pouvez les citer, ne pas être d’accord avec eux, les glorifier ou les blâmer, mais la seule chose que vous ne pouvez pas faire, c’est de les ignorer simplement parce qu’ils essaient de faire bouger les choses… Ils poussent la race humaine vers l’avant, et s’ils peuvent être vus comme des fous – parce qu’il faut être fou pour penser qu’on peut changer le monde – ce sont bien eux qui changent le monde.”

Je vous remercie.

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Ceci est le texte de mon intervention pour L’Université populaire du Niortais Conférence du vendredi 7 octobre 2016. Vous êtes totalement libre de le reprendre, le copier, le coller, sans aucun problème, cette conférence était bénévole. N’oubliez pas – au besoin – d’en citer la source 🙂 Merci spécial à Michel Serres pour la rédaction de ce texte très largement inspiré de ses travaux ainsi qu’‘à mon épouse pour m’avoir supporté.

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Une interview pour comprendre la stratégie (trop ?) originale de MinuteBuzz, qui vient d’abandonner son site web #ouch

                                          
 –
Vous abandonnez votre site MinuteBuzz pour vous concentrer exclusivement
sur les réseaux sociaux. Comment on continue à exister en disparaissant
?

– On ne disparaît pas, on évolue ! On passe d’une puissance on-site à une
puissance sociale. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : +158% de vidéos
vues depuis janvier, avec un objectif de 2 milliards de vidéos vues
cette année. Aux US, NowThis et AJ+ ont montré la voie : ils
se sont créés comme médias 100 % sociaux avec succès. Nous sommes les
premiers en Europe à faire cette démarche, et surtout nous sommes parmi
les seuls à pouvoir le faire grâce à notre business model historique
basé à 100% sur le brand content (marketing de contenu) mobile, vidéo et social.

– Pourquoi quittez-vous Médiamétrie ?
– Parce que les indicateurs évoluent et donc les outils de mesure aussi  
Nous avions besoin d’investir dans des outils nous permettant la
récupération de données plus adaptées à notre modèle.


 – Etes-vous un média ou une société de brand content ?

– On est un média, le leader social sur les Millenials, suivi par plus de 8
millions de personnes au quotidien.
Nous savons nous adresser à cette audience, ce qui passe par du bon
contenu natif. Nos partenaires viennent donc chercher notre puissance
sociale et notre capacité à engager les 18-35 ans, grâce à notre
capacité de production vidéo et notre planning stratégique. 

Interview de

Laure Lefèvre, Présidente et Maxime Barbier, Directeur Général de MinuteBuzz reçue par mail ce matin en provenance de Petit Web pour MinuteBuzz <newsletter@petitweb.fr

MinuteBuzz, en chiffres et en lettres

  • 6 ans, 40 collaborateurs
  • 3 marques (Minute Buzz, Hero et OmNomNom) 100% social et 100% vidéo présentes sur 5 plateformes sociales, 
  • 1,5 milliard de vidéos vues
  • Une communauté de 8 millions de personnes sur l’ensemble des plateformes 
  • Des solutions de brand content 100% social, 100% vidéo.