Les nouveaux business models fondés sur les plateformes

C’est sans doute la plus grande mutation macroéconomique depuis la révolution industrielle : les nouveaux business models fondés sur les plateformes. Airbnb, Amazon ou Google en sont les exemples emblématiques. Ces « digital natives » sont des précurseurs mais toute entreprise, dans tout secteur d’activité, doit désormais se poser la question de sa stratégie de plateforme : quelles sont les options pour se positionner ? Comment initier cette stratégie pour ne pas passer à côté d’opportunités ?

L’économie des plateformes est une question technologique mais, surtout, stratégique. Les API (Application Programming Interface) permettent d’ouvrir les systèmes d’information et de matérialiser ainsi une vraie collaboration sur une plateforme technologique entre fournisseurs, distributeurs, partenaires… qui construisent une offre commune pour des clients.

Un cas extrême est le modèle d’Airbnb, qui ne possède aucun actif : cette plateforme sert d’intermédiaire entre des propriétaires de biens immobiliers à louer et des voyageurs. Cette tendance à la « plateformisation du business » nécessite bien sûr une technologie digitale innovante. Mais Airbnb est allé plus loin, en proposant une forme inédite d’intermédiation, à la fois plus pertinente et innovante que ce que proposaient les agences de voyage en ligne, il y a dix ou quinze ans.

Etre ou ne pas être plateforme

Comment le secteur de l’hôtellerie se positionne-t-il par rapport à Airbnb ? AccorHotels, par exemple, a choisi d’inviter sur sa propre plateforme de réservations, accorhotels.com, des offres d’établissements indépendants pour enrichir le taux de couverture de son offre hôtelière sur la France et amplifier ainsi l’audience potentielle du site.

Dans tout secteur d’activité, ces nouveaux business models obligent les dirigeants à se poser des questions essentielles : comment positionner mon entreprise par rapport aux plateformes ? Doit-elle devenir dans son ensemble, ou seulement en partie, une plateforme ? Ou doit-elle interagir avec des plateformes existantes ou à venir ?

Prenons le cas de la filiale low cost d’Air France-KLM, Transavia. Devenir une plateforme de réservation de voyages n’est pas l’axe stratégique choisi par Transavia. En revanche, la compagnie aérienne veut intégrer ses services aux plateformes de voyages ou de déplacements. Dans cette optique, Transavia a investi pour faire connaître ses services de réservations, ses vols et sa politique de prix : une entreprise qui veut les inclure dans son offre en fait la demande et s’identifie sur un portail dédié. Transavia ne veut pas créer de plateforme mais veut tenir sa place dans les écosystèmes de partenaires valorisés par les plateformes en devenant une « easy to do business with » compagnie.

Les assureurs mènent une réflexion similaire pour ne pas rater la prochaine plateforme innovante de co-voiturage, du type BlaBlaCar. Dans un marché de l’assurance actuellement captif, les assureurs ouvrent et redéfinissent leurs services, pour couvrir des trajets en covoiturage à la demande.

S’associer pour innover et créer de la valeur

En résumé, il existe aujourd’hui deux grands types de plateformes :

– les plateformes sectorielles : elles excellent sur une niche et ne traitent qu’un secteur d’activité, comme Airbnb. Combien de temps une entreprise peut-elle vivre sur un marché de niche ? Ce débat sur l’avantage concurrentiel est bien antérieur à l’ère digitale et oblige l’entreprise à constamment innover.

– les plateformes intersectorielles : elles servent de socle pour créer des écosystèmes de partenariats entre entreprises, ou entre secteurs d’activité : une banque peut concevoir une plateforme de paiement et s’associer à un acteur de la grande distribution pour gérer son programme de fidélité.

L’ambition de la plateforme est une question stratégique. Pour les plateformes intersectorielles, c’est l’ampleur de l’audience et des partenariats qui crée la valeur. Ces derniers permettent d’accroître le volume de transactions et d’imaginer de nouveaux services tout en développant une très forte connaissance utilisateurs.

Prenons l’exemple de l’Internet des objets. Pour fonctionner, les objets connectés de toutes sortes (qu’ils soient associés à une voiture, à une chaudière, à une montre…) interagissent avec des plateformes technologiques. Hébergées dans le cloud, ces plateformes traitent toutes les données issues des objets et fournissent de nouveaux services à partir de ces données. La voiture connectée est aujourd’hui devenue un standard, quelle que soit la marque. Le facteur de différenciation est désormais plutôt de savoir si la voiture est connectée aux services de péage de Vinci, aux autres plateformes chères aux utilisateurs, comme Deezer ou Spotify, ou si elle sait combien de places sont disponibles sur le parking du supermarché ? C’est donc par le biais de partenariats que la voiture connectée crée des services à valeur ajoutée.

Acquérir l’agilité d’une approche « Lab »

Pour trouver et maintenir sa place dans l’écosystème des plateformes, l’entreprise doit cultiver deux forces : l’agilité et la rapidité d’exécution. Elle doit s’interroger régulièrement sur la pertinence de son positionnement, savoir le faire évoluer et s’adapter en permanence : autrement dit, appliquer le « test and learn » à toute l’organisation. Certains financements seront peut-être investis à perte car il faut accepter de se tromper. Cette approche de type « Lab » est efficace pour avancer. Et lorsque ce Lab a démontré sa capacité à générer de nouveaux revenus, il rejoint le cœur de métier de l’entreprise.

BMW Labs permet aux propriétaires de BMW d’expérimenter et de bénéficier de nouveaux services rendus par la voiture connectée. Pour ce faire, BMW Labs a récemment signé un accord avec IFTTT (If This Then That) : cette plateforme innovante et simple à utiliser crée des interactions inédites entre un grand nombre de partenaires pour développer des services à valeur ajoutée. Par exemple, en utilisant IFTTT, un conducteur de BMW peut recevoir dans sa voiture les grands titres du New York Times dès leur publication. Les conducteurs de BMW eux-mêmes sont sollicités pour être des « ß-testeurs » de ces nouveaux services.

Les plateformes sont le socle d’une nouvelle forme de création de valeur dans l’économie digitale. Chaque entreprise doit déterminer sa stratégie de plateforme, ne serait-ce que pour trouver sa juste place dans des écosystèmes pilotés par d’autres entreprises. Ou pour simplement prendre une position défensive. Adopter ces nouveaux business models ne signifie pas abandonner les anciens qui s’appuient sur une chaîne de valeur éprouvée, et qui représentent de solides fondations pour construire ces plateformes. Une entreprise comme Philips, par exemple, qui a lancé HealthCareSuite avec ses partenaires pour améliorer le suivi des patients, reste d’abord un fournisseur de matériel médical.

Plus de chroniques de :

Pascal Delorme

Manifeste pour le numérique français

L’élection présidentielle de mai 2017 est, semble-t-il, marquée par un degré d’incertitude inhabituellement élevé. Non pas qu’en la matière notre pays soit toujours l’exception que l’on veut bien croire. A cet égard, nul ne conteste que l’année récente a été riche en surprises électorales : décision surprise des britanniques de quitter l’Union européenne, élection assez inattendue de Donald Trump.

Numérique, clé du retour de la croissance

Ces incertitudes politiques étant ce qu’elles sont, qu’il nous soit permis, entrepreneurs de l’économie numérique, de formuler une conviction forte et un souhait résolu. Nous avons la conviction que le numérique est la clé de la restauration d’une croissance digne de ce nom dans notre pays, capable de faire enfin durablement reculer le chômage. Notre souhait, c’est que les autorités politiques que les français choisiront regardent le numérique non pas comme une menace pour nos emplois, nos libertés, voire notre souveraineté, mais comme ce qu’il est : une fantastique opportunité. Nos expériences nous en convainquent : la France dispose d’atouts clés pour faire naître les futurs leaders de l’économie numérique et tirer parti des immenses bénéfices que le numérique est capable d’apporter.

Des efforts importants

Naturellement, une telle évolution ne se fera pas de manière spontanée. Elle nécessite des efforts importants, au moins dans deux directions.

En premier lieu, la France doit se rendre attractive. N’en déplaise aux thuriféraires du protectionnisme, la France, et en son sein les différentes villes labellisées French Tech, sont en compétition féroce avec d’autres pays et villes d’Europe. A ce jeu, Londres, Stockholm ou Berlin se sont mises au diapason. Elles attirent start-uppers, capitaux-risqueurs, chercheurs : en un mot elles ont su créer des écosystèmes numériques incitatifs et innovants. En fait d’attractivité, la France dispose aussi d’atouts incontestables : un niveau d’éducation très élevé, des ingénieurs pointus, une qualité très grande des infrastructures, une connectivité très haut débit à des coûts parfaitement compétitifs, etc.

Mauvais signaux

Pourtant, ce tableau positif a son revers. Les dirigeants français ont envoyé quantités de signaux aux effets désastreux pour l’attractivité de la France. Parmi eux, citons, entre autres, le rachat bloqué de Dailymotion, les discours agressifs à l’égard d’acteurs numériques internationaux majeurs dont le seul tort était d’être étrangers. Citons également l’opiniâtreté à cadenasser le numérique dans des dispositifs fiscaux hasardeux comme la fameuse « taxe Google ». Citons toujours la taxe « robots » chère à Benoit Hamon.

Ce recours incessant à la taxe, comme solution à tous les maux, est désastreux. En ce qui concerne les robots, qui arrivent dans quantités de métiers, qui ne voit pas qu’il s’agit d’un vecteur essentiel de modernisation, dont nous ne devons pas avoir peur, et qui, à l’évidence, apportera de nouvelles richesses, et in fine plus d’emplois ? Naturellement, comme toute innovation majeure, pour être socialement acceptés, la valeur ajoutée créée, qu’elle le soit par le numérique ou par les robots doit faire l’objet d’un partage socialement équitable. Mais il conviendrait de porter sur cette nouvelle économie un regard neuf plutôt que de la contraindre à se fondre dans un cadre fiscal ancien.

Offrir un cadre législatif favorable

En second lieu, la France, et l’Europe dès lors que les mesures envisagées entrent dans le cadre de la régulation communautaire, doit s’efforcer d’offrir un cadre législatif favorable à l’économique numérique. Le propre de l’action normative est de s’adapter à une réalité économique en évolution permanente. Dans le cas du numérique, les mutations se succèdent à un rythme effréné dont il faut tenir compte. Des principes simples plutôt que des formules toutes faites sont nécessaires en la matière.

D’abord, la circulation des données doit être libre. L’on conçoit immédiatement le cortège d’objections qu’une telle position de principe suscite. Pourtant la donnée n’est rien d’autre qu’une information. Imagine t’on bloquer ou taxer la circulation de l’information. Vouloir bloquer la circulation des données démontre soit l’illettrisme numérique de nos dirigeants soit une pensée profondément liberticide. La liberté de circulation de la donnée doit être garantie au même titre que liberté de circulation de l’information.

Ensuite, la création d’un environnement interconnecté et ouvert. L’espace numérique est, par nature, ouvert, plastique, en perpétuelle mutation. C’est un lieu de rencontre et d’échange, un bouillon de culture pour les créateurs de tous horizons qui viennent proposer leurs idées et s’enrichir des idées des autres. Un tel espace doit être interconnecté et ouvert afin que tout un chacun puisse partager et aller vers les contenus en ligne qui l’intéressent. C’est la raison pour laquelle certaines idées telles que le contrôle éditorial sur les plateformes d’hébergement, qui fleurent bon le temps de l’ORTF, sont tout simplement obsolètes.

On le voit, le chantier est immense et prometteur. A l’heure où les candidats à la présidentielle font assaut de modernité, nous formons le vœu que tous et toutes comprennent que cadenasser l’économie numérique n’apporterait que des déconvenues et viendrait gâcher le formidable potentiel de la France en la matière.

Par Bruno Walther, président-fondateur de Captain Dash

Selon les estimations, l’IA devrait faire disparaître de 10 à 50 % des boulots actuels dans le siècle à venir :(

Le docteur Laurent Alexandre, fondateur de Doctissimo, a alerté le Sénat sur la révolution de l’intelligence artificielle en France dans le siècle à venir.

Pour une fois, on aura entendu une réflexion sur l’intelligence artificielle (IA) dénuée des fantasmes habituels d’extinction de l’espèce façon Terminator ou, autre classique, du fantasme de la singularité, ce moment où l’IA accéderait à la conscience de soi. Lors de l’audition publique organisée par le Sénat jeudi 19 janvier en compagnie de politiques et de penseurs de l’intelligence artificielle, l’exposé du docteur Laurent Alexandre a ramené l’IA sur Terre, dans la réalité économique et sociale des décennies à venir. Car plutôt que de nous parler immortalité ou hybridation biomécanique, le fondateur de Doctissimo, transhumaniste convaincu et désormais à la tête d’une entreprise de séquençage d’ADN, a dressé un constat très simple : l’IA s’apprête à défigurer le monde professionnel, et ni la France ni l’Europe ne semblent avoir prévu quoi que ce soit pour s’adapter aux nouvelles logiques de production qui définiront les décennies à venir.

En IA, nous sommes un pays du tiers-monde”, constate-t-il : nous exportons des cerveaux, notamment vers les géants américains Google, Amazon, Facebook et Apple (GAFA) ou, désormais, le bloc chinois (Baidu, Alibaba, Xiaomi), sans réfléchir à une stratégie d’avenir pour anticiper la révolution qui s’annonce. Économiquement, selon Laurent Alexandre, la situation est pourtant limpide. Dans un premier temps (maintenant, ou presque), l’IA sera “faible”, puis deviendra “semi-forte” dans quelques décennies. Mais comparée à l’intelligence biologique, elle sera toujours gratuite.

Et “lorsque quelque chose est gratuit, les substituts crèvent et les complémentaires augmentent”, explique l’intervenant. Là, Laurent Alexandre se fait prophétique et décrit une société française attentiste dans laquelle “tous ceux qui ne seront pas complémentaires de l’IA seront soit au chômage soit avec un emploi aidé”, tout en évoquant son scepticisme face au scénario, avancé entre autres par la secrétaire d’État Axelle Lemaire, selon lequel l’IA va au contraire créer de nouveaux métiers. Pour Laurent Alexandre, “la paupérisation relative de nos populations est une certitude”. Selon les estimations, l’IA devrait faire disparaître de 10 à 50 % des boulots actuels dans le siècle à venir.

Réforme urgente de la formation professionnelle

Très bien et merci pour la dépression à venir, mais concrètement, que fait-on pour remédier à cela ? Pour Laurent Alexandre, la priorité est de réorganiser à la fois l’école et la formation professionnelle, qui ne seront plus adaptées à un monde dominé par une IA, même “faible”. Le but : construire un système qui rende l’humain “complémentaire” de l’IA, alors que celle-ci – moins chère que les robots – devrait pouvoir occuper des professions hautement qualifiées comme la médecine ou la radiologie.

Selon l’entrepreneur, il s’agit là d’un chantier primordial, à étaler sur plusieurs décennies, qui permettra de réorienter les métiers hautement qualifiés vers plus de complémentarité, afin d’éviter une mise en concurrence de l’humain et de la machine. Pour Laurent Alexandre, si la classe politique ne prend pas immédiatement conscience de sa responsabilité, “dans cinquante ans on a Technopolis (sic) et dans un siècle on a Matrix”. Quant à la proposition du revenu universel de base, revenu sur le devant de la scène (et dans les programmes politiques) à l’aune du progrès technologique, le chercheur le balaie du revers de la main, arguant qu’il serait “suicidaire” de le mettre en place. Si les positions, parfois tranchées, de Laurent Alexandre au sujet de l’IA n’ont pas été partagées par tout le monde lors de ces auditions publiques, elles auront au moins eu le mérite d’interpeller nos parlementaires sur la nécessité de considérer l’IA pour ce qu’elle est vraiment – non pas une menace pour l’espèce mais un vecteur de transformation sociétale radical – et d’inventer des manières de résoudre les problèmes concrets qu’elle va bientôt poser.

Source : kombini.com

Les données personnelles, nouveaux « communs » pour ressourcer le mutualisme

Publié le 4 mars 2017 par Jean Louis Davet : Directeur général du groupe MGEN et du groupe ISTYA

En ce début de 21e siècle, nous assistons à un formidable renouveau des biens communs ou “communs”, porté par la révolution numérique en cours.

Historiquement, l’idée de “communs” remonte à une période où l’État moderne n’existait pas encore, dans un contexte essentiellement agraire. Deux types d’espaces coexistaient alors en fonction des droits coutumiers locaux : les terres relevant de la propriété privée, labourées, ensemencées, moissonnées, et les “communs” utilisables par tous pour trouver du bois, éventuellement chasser ou faire brouter les animaux. Le régime des “enclosures” à la fin du Moyen Âge, puis l’essor de la propriété privée au 17e/18e siècle, finit par faire disparaître une grande partie de ces biens communs.

Ces modes de fonctionnement et de régulation collective semblent aujourd’hui porteurs d’innovation à l’heure où des communautés créent des “communs” digitaux. Du développement des logiciels libres à la création de l’encyclopédie en ligne Wikipédia, les communs sont remis au goût du jour.

Car une nouvelle génération d’acteurs, portée par la culture issue d’internet, se réapproprie les valeurs portées par les “communs”. Décentralisation, horizontalité des relations, partage, accès aux savoirs et à la connaissance, culture de la contribution active font en effet partie du panthéon de valeurs des fondateurs du web. Ils ont inspiré notamment le mouvement du logiciel libre. Le mouvement fait tache d’huile en s’étendant à d’autres secteurs, comme la culture, voire demain les biens matériels par la révolution des imprimantes 3D.

À l’opposé d’une vision purement individualiste de la société, les communs fournissent une alternative à la marchandisation exclusive de la société. Ils permettent à des communautés locales ou virtuelles de se regrouper pour créer, préserver, maintenir ou développer une ressource collective. Car si la ressource elle-même est importante, la création de lien social se révèle décisive dans nombre d’approches. Contrairement au court-termisme ambiant, elles permettent aussi de penser le long terme ainsi que la transmission d’une ressource et d’un projet entre générations.

Nous assistons depuis à un foisonnement d’initiatives. Partout en Europe, des initiatives citoyennes et communautaires sont actuellement en cours afin de donner vie à des communs urbains, ruraux, scientifiques ou numériques. Des rapprochements et des convergences sont en cours. Une première Assemblée européenne des communs s’est d’ailleurs tenue en novembre dernier au Parlement européen, fédérant des acteurs venus de toute l’Europe.

Même si beaucoup reste à construire, l’idée de “communs” ou de “mise en commun” fait totalement sens dans l’univers des valeurs du mutualisme et doit interpeller tout groupe mutualiste en phase avec son temps. Tout comme la révolution numérique en général, ce mouvement nous invite à reconsidérer les voies et moyens de nos ambitions collectives tout en revisitant nos modèles entrepreneuriaux. C’est tout particulièrement vrai de nos mutuelles. Il nous faut renouer avec notre vocation originelle d’innovation sociale librement et collectivement décidée par nos membres. Communs et mutualité : utopie ou vision ?

Les mutuelles ont, elles aussi, vu le jour à partir de la mise en commun par un groupe d’individus, de certains aléas ou types de “risques” (santé, accidents, dommages matériels, etc.) à assurer et gérer collectivement.

Pour autant, au-delà de cet idéal collectif non marchand partagé avec les militants des communs, quelle ressource concrète une mutuelle serait-elle en mesure de développer pour que l’on puisse envisager de l’associer au mouvement des communs ?

Prétendre par exemple que le “commun” ainsi préservé et développé par une mutuelle santé est “la santé de ses adhérents” est certes séduisant, mais ne résiste pas à l’analyse. Les services et remboursements de soins opérés par la mutuelle contribuent certes à un meilleur état de santé des adhérents, mais la prétendue “ressource santé” reste très hypothétique dans la mesure où aucun adhérent ne confie réellement (en tout cas pas encore) sa santé à sa mutuelle, et l’implication de l’adhérent dans l’enrichissement de cette ressource au profit de la communauté des autres adhérents reste extrêmement limitée.

Il serait au contraire plus constructif d’identifier au sein de la révolution numérique et de la nouvelle vague de communs digitaux ce qui pourrait contribuer à l’émergence de nouveaux modèles d’inspiration mutualiste à même de répondre aux enjeux sociétaux façonnant notre avenir.

Pour une mutuelle, c’est le risque financier occasionné par la réparation des sinistres qui est dans les faits assuré. Ainsi, le type de risque sous-jacent (santé, etc.) et le périmètre des individus concernés (souvent par corporation ou territoire géographique) sont les deux facteurs qui ont circonscrit dès l’origine les périmètres “affinitaires” entre adhérents d’une mutuelle.

Dans ce cadre, les données personnelles des adhérents, souvent limitées à des caractéristiques socio-économiques enrichies de données actuarielles sur les sinistres, sont mutualisées afin de définir et calibrer les garanties assurantielles correspondant au risque couvert, et de déterminer leur tarif.

Les données personnelles, un nouveau commun

Mais cette logique est aujourd’hui en cours d’inversion : les données ne sont plus seulement l’un des outils permettant de mesurer et tarifer le risque que les adhérents cherchent à mutualiser.

Nos données personnelles, numériques ou numérisables, deviennent une ressource clé, d’une variété et d’une richesse potentielle inouïes.

Ne serait-ce pas là le véritable “commun” qu’un collectif pourrait souhaiter à la fois protéger, développer, réguler ? Il confierait cette ressource essentielle à une “organisation” qui en émanerait, charge à cette dernière de créer et proposer tous types de services désormais rendus possibles par le traitement approprié de ces données (comme les services de dépistage et de prévention, l’accession à une médecine personnalisée, des recherches médico-économiques ou sanitaires…).

Bien évidemment, cette utopie se heurte aujourd’hui à la réalité des cadres réglementaires français et européens sur les données personnelles et les données de santé, aux légitimes questions d’anonymisation et de sécurité, ainsi qu’au manque de maturité de la population sur ces sujets complexes et encore fort peu débattus publiquement. Pour autant, les réglementations évolueront, et gageons que nous saurons un jour trouver le bon équilibre entre la protection des individus et la liberté d’innovation indispensable au développement économique des nations.

Le changement de paradigme serait alors radical.

Les membres adhérents de cette organisation s’associeraient non plus pour couvrir prioritairement un risque donné, comme c’était le cas de nos mutuelles, mais pour bénéficier de tous les services imaginables à partir d’un large spectre de données qu’ils auraient collectivement et consciemment décidé de partager ensemble. 

La mutualisation porterait moins sur les risques sous-jacents à couvrir sur un mode assurantiel que sur le périmètre de données recueillant le consentement de tous les membres. Se formerait ainsi une communauté dont le trait d’union serait précisément l’acceptation éclairée du partage de ce périmètre entre membres.

De son côté, l’organisme collectif gouvernant, préservant et exploitant la richesse confiée, s’engagerait à expliquer intégralement tout l’usage qu’il fait de ces données et le détail des algorithmes qu’il utilise. Il n’aurait pas pour objectif de centraliser toutes ces données dans une même base, mais avant tout de faciliter la circulation des flux d’informations pour créer de la valeur pour l’individu et veiller à ce qu’il reste maître de ses informations.

Ses conditions générales d’utilisation (CGU) seraient enfin transparentes, aisément compréhensibles par tous les adhérents, et rompraient définitivement avec ce que l’on pourrait plutôt qualifier aujourd’hui de Capharnaüm Grugeant les Utilisateurs. La gouvernance des données pourrait même être conçue comme pleinement collaborative, basée sur des outils proposés par les CivicTech, garantissant ainsi tout à la fois transparence et fidélité aux choix des individus.

Considérer les données personnelles, ou plus vraisemblablement leur agrégation, comme un commun rendrait chaque membre de cette communauté légitime pour revendiquer le bénéfice de la richesse informationnelle ainsi créée.

Les informations rendues “signifiantes” devraient servir à leurs “propriétaires” pour qu’ils en tirent tout l’usage qui a du sens pour eux. Les individus pourraient ensuite exploiter et contrôler leurs données à leurs propres fins. Cette maîtrise par les individus de leurs données personnelles et de leur exploitation constitue l’ambition même du Self Data, dont différents modèles économiques font aujourd’hui l’objet de recherches et d’expérimentations.

De la mise en commun pleinement consentie à la réappropriation individuelle des données personnelles, la boucle serait bouclée au bénéfice de la collectivité et de l’individu.

Expérimentons de nouveaux “communs” !

Nos mutuelles peuvent renouer avec leur vocation originelle d’innovation sociale librement et collectivement décidée par leurs membres.

Par exemple, plus que tout autre type d’assureur, une mutuelle, dont les principes de gouvernance visent à circonscrire les divergences d’intérêt qui peuvent opposer actionnaires et clients, assureur et assurés, devrait théoriquement être en mesure de décider la restitution à chaque membre des données qui le concernent et de l’ensemble des enseignements tirés (modulo toutes les précautions d’usage en matière de responsabilité et de sécurité).

Le Self Data apparaîtrait ainsi comme une extension naturelle de la transparence qui doit être de mise entre la structure “mutuelle” et les individus qui y adhérent dans un objectif d’amélioration de leurs conditions de vie tant par des services que par des prestations d’assurance.

Mais les idées innovantes, les acquisitions de technologie, les réponses aux besoins exprimés ou pas encore exprimés, la conviction d’œuvrer pour le progrès social ne seront pas suffisantes.

Les modèles économiques restent à inventer dans un contexte concurrentiel tendu où les utilisateurs sont profondément atteints par le syndrome de la gratuité apparente.

Les modalités de gouvernance restent également à revisiter pour répondre à de nouvelles aspirations et à une complexité croissante de l’environnement.

La tâche est immense, les enjeux fondamentaux. C’est maintenant qu’il faut s’y atteler, notamment en expérimentant de nouveaux communs… et pourquoi pas en donnant de nouvelles formes et de nouveaux objets au mutualisme ?

Article publié sur le Cercle des Echos le 2 mars 2017

Licence : CC-BY-ND

La Grande Ecole du numérique à Niort, c’est qui, c’est où, c’est quoi, c’est combien et c’est comment ?

Salut,

J’écris suffisamment d’articles on va dire “théoriques” ici que je me permets de rentrer pour une fois dans du concret de chez concret. De par mes fonctions de Vice-Président du réseau SPN, nous avons pu construire avec plein de personnes de bonne volonté La Grande Ecole du Numérique ici, chez nous, à Niort. Concrètement, sur notre “campus” de Niort (Centre du Guesclin, Place Chanzy, Bâtiment A – Salle 214) et sur celui de Poitiers (Cobalt, 5 rue Victor Hugo, Étage des combles) il existe aujourd’hui deux classes de 20 élèves. Pas si mal.

Avec nos partenaires, nous rendons possible cette formation expérimentale (6 mois d’ateliers, 3 mois de stage, 10 projets tutorés) afin de favoriser l’insertion professionnelle des demandeurs d’emploi (niveau de Bac-2 à Bac+2) et répondre localement aux besoins de recrutement de nos entreprises.

Je suis aujourd’hui très heureux de pouvoir bosser avec vous dans le cadre de notre appel d’experts. En effet, nos amis Arnaud et Harouna, en charge de “l’opérationnel terrain” ont besoin aujourd’hui de :

  • témoignages professionnels et simulations d’entretiens de stage chaque lundi du 13 février au 5 juin 2017 (en bénévole) ;
  •  ateliers généralistes culture numérique de 3H30 entre le 20 février et le 10 mars 2017 avec une vingtaine d’apprenants (en prestation) ;
  •  ateliers de spécialité infogérance, développement et médias sociaux de 3H30 du 13 mars au 9 juin 2017 avec une dizaine d’apprenants (en prestation).

Ils sont toujours à votre entière disposition par courriel et/ou par téléphone afin de confirmer votre candidature ou pour toutes informations supplémentaires. Leurs coordonnées respectives sont en-dessous.

Sinon, n’hésitez pas non plus à utiliser la fonction “commentaires” pour en savoir plus ou partager cette information au plus grand nombre.

Merci.

++

Harouna Diarra – Chef de projet « Fabrique du numérique » #Niort

  • Tél. : 05 49 93 87 79 / 05 49 78 05 50 – hdiarra@fabdunumerique.fr

Arnaud Lissajoux – Chef de projet « Fabrique du numérique » #Poitiers

Tél : 06 81 35 35 19 – alissajoux@fabdunumerique.fr

Crédit photo : Romuald Goudeau

Le texte d’Eymeric Caron sur Facebook sur Fillon

L’affaire Pénélope en dit bien plus long sur la décrépitude de notre classe politique que le simple cas Fillon. Les réactions officielles des Républicains, ces derniers jours, sont consternantes. François Fillon a-t-il détourné 1 million d’argent public à son profit et à celui de ses proches? La justice le dira. Ce qui est sûr en revanche, c’est que sa femme , qui a toujours répété ne pas se mêler des activités politiques de son mari, a été rémunérée pendant des années à des niveaux astronomiques pour un travail dont jamais personne n’a été témoin. Et s’il est néanmoins prouvé qu’elle a pendant toutes ces années trié le courrier, représenté son mari auprès d’associations et reçu de très nombreuses personnes en leur château, comme l’affirme son mari, alors François Fillon, qui réclame la suppression de 500 000 postes de fonctionnaires car ils coûtent trop cher à la France, qui s’en prend constamment à l’Etat dépensier, qui demande sans cesse aux Français de “faire des efforts”, doit expliquer pourquoi il a payé sa femme 6000, 7000, 8000 voire 10 000 euros pour des tâches qui seraient, dans la fonction publique, payées moins de 2000 euros. Il faudra encore qu’il explique pourquoi il a embauché ses enfants, et quel a été leur travail réel. Un proche de Fillon explique par exemple que sa fille aurait été payée pour l’aider à écrire un de ses livres. Donc, l’argent public, qu’il faut selon Fillon dépenser avec le plus de précaution possible, aurait servi à la publication d’un ouvrage privé? Allons bon.
Même si finalement la justice établit que le contrat de 5000 euros mensuels (plus de 3 smic) établi par son ami Marc Ladreit de Lacharrière à l’épouse de François Fillon à la Revue des deux Mondes n’est pas illégal, malgré l’absence réelle de mission, le candidat à la présidentielle devra quand même expliquer s’il n’est pas gênant de parler de “justice sociale” quand soi-même on use de ses relations haut placées pour obtenir pour son épouse un poste grassement payé et composé d’une mission essentiellement imaginaire.

Les questions auxquelles se doit de répondre aujourd’hui le candidat des Républicains sont celles que tout citoyen est en droit de poser.

Il n’est pas question ici de droite et de gauche.
Il n’est pas question ici d’attaque politicienne.
Il est question de morale, d’éthique, de respect des fonctions électives et du peuple français. Il est question de démocratie.

Pourtant les Républicains crient au scandale. “Au secours, c’est notre candidat qu’on assassine!”,“ un coup monté du gouvernement”, “un lynchage médiatique!” Vous devriez avoir honte, messieurs les Républicains. Vous devriez comprendre ce qui est ici en jeu, au lieu de vous recroqueviller sur vos énormes avantages acquis, au lieu de suer à grosses gouttes en pensant au poste de ministre ou de député qui est peut-être en train de vous passer sous le nez. Si vous respectiez vraiment la démocratie, la justice, le peuple, et votre pays, vous devriez être les premiers à dénoncer les dérives inacceptables (et déjà reconnues) de votre candidat à la présidentielle. Vous devriez publiquement dire aujourd’hui combien ces comportements avoués par celui-ci vous choquent, combien ils sont contraires à l’idée que vous vous faites d’une politique propre, au service des gens. Mais non, vous pleurnichez, et ces pleurnichements sont une insulte aux Français. Mais ils en disent long sur les pratiques que vous avez cautionnées ou dont vous avez bénéficié pendant tant de temps. Ils en disent long sur votre vision du monde, qui tolère les tricheurs chez les riches mais fustige l’“assistanat” chez les plus pauvres. Vos réactions outrées ces derniers jours sont surtout une explication à l’état de notre pays. Non, ce ne sont pas les dépenses publiques dans l’éducation, la justice, la santé, la police ou l’assurance chômage qui ont mené notre pays dans le mur. C’est votre immoralité. 

Texte de mon intervention à l’ ISEG Marketing & Communication School de Bordeaux

Je voudrais prendre le temps avec vous pour – tenter de – mettre un tout petit peu en perspective ce qui est en train de se produire en ce moment avec le numérique. Petit un : si nous parlons de numérique, nous allons parler d’ordinateur.

Question : qu’est-ce qu’un ordinateur ?

Eh bien la réponse à cette question est très simple : cest une machine qui est construite grâce à la réunion de deux éléments forts différents dont le premier est fait de métal que nos amis anglo-saxons appellent

hardware

. Des métaux usuels mais aussi des métaux rares (comme le silicium par exemple). Et, d’autre part, d’un élément qu’on pourrait appeler logiciel que nos amis appellent

software

. Le dur et le doux. Ces éléments logiciels étant des programmes. Programmes qui sont inscrits précisément sur les matériaux en question. Et donc qu’est-ce qu’un ordinateur ? C’est simplement le couple support-message. Support : matériel. Message : ensemble de logiciels.

Question : est-ce que – en tant que machine universelle – est-ce que cette machine est nouvelle ?

La réponse est oui. Non la réponse est non. Elle est nouvelle en ce qu’elle est universelle. Mais au point de vue de la deuxième définition c’est-à-dire un couple “support-message” est-ce qu’elle est vraiment nouvelle ? Et la réponse c’est oui et non. Pourquoi ?

1°) Du point de vue du temps
J’ai posé la question « est-ce que c’est une machine nouvelle ? » et j’ai dit oui et non. Je vais essayer d’expliquer pourquoi j’hésite. Parce que lorsqu’on considère ce couple “support-message” on s’aperçoit très vite que l’ordinateur est un avatar de ce couple “support-message”. Mais que auparavant ce couple “support-message” existait depuis très longtemps. Depuis que l’homme est un homme. En effet, si on prend des milliers d’années de recul, on s’aperçoit qu’il fut un temps qu’on pourrait appeler l’âge oral ou l’époque orale, où la communication entre les hommes se faisait au moyen du langage et spécialement du langage oral. À cette époque, le support matériel était le corps de l’orateur (disons le mien, aujourd’hui) et le message était donné par la voix, c’est-à-dire les ondes sonores qui traversent l’atmosphère et qui parviennent à vos oreilles. Le couple “support-message” était installé déjà dans la communication humaine à cet âge oral.

Et soudain, dans le croissant fertile, du côté de l’Asie au premier millénaire avant J.-C apparaît une sorte de séisme extraordinaire dans ce couple “support-message” c’est l’invention simplement de l’écriture. Alors le support matériel se transforme. Le support matériel n’est plus le corps humain, celui de l’orateur, de l’aède, du chanteur ou du griot africain. Le support va devenir matériel c’est-à-dire du marbre, du bronze, puis, peu à peu, de la peau de veau, du vélin, de la peau de mouton du parchemin, du Byblos, du papier : voilà le support matériel. Et l’écriture va devenir le logiciel en question. Donc le couple “support-message” a déjà au moins deux avatars premiers. À l’époque orale le corps et la voix. À l’époque écrite le support en question, qui peut varier selon les matières et l’écriture qui elle-même varient selon qu’elle soient alphabétique ou autre.

Je voudrais essayer de décrire rapidement les extraordinaires innovations qui ont été induites par ce premier avatar. Ce passage du support corporel au support écrit. Du couple “support-message”. Les transformations vont être énormes. Elles vont toucher le droit. Le droit oral va devenir un droit écrit. Le serment va devenir la signature. La parole donnée va devenir l’acte. On appelle cela un acte notarié avec signature. Le droit va changer. La politique va changer. Un certain nombre de classes sociales vont se transformer avec l’arrivée des scribes et des experts. Et puis, surtout, la monnaie ! La monnaie qui va transformer complètement le rythme et la rapidité des échanges commerciaux. Puisque la monnaie va être écrite au lieu d’échanger des bœufs (quand vous dites capital n’oubliez pas que vous dites cheptel. Vous évoquez dans ce vocabulaire-là le début du troc, très lourd et très lent). Alors qu’avec l’arrivée de l’écriture, avec la monnaie, les échanges se sont fait plus rapides, plus souples, plus léger et plus immédiats. Bien entendu, dès l’arrivée de l’écriture chez nos amis Grecs : coup de tonnerre avec l’invention de la géométrie en terre grecque. Et coup de tonnerre encore dans les prophètes écrivains d’Israël avec l’arrivée du monothéisme, c’est-à-dire la religion de l’écriture. La religion du livre. Vous voyez que le spectre des changements au moment de la mutation du couple “support-message” est absolument extraordinaire.

L’innovation est gigantesque à ce moment-là.

Nous en avons une confirmation – extraordinaire également – dès lors que nous considérons qu’après ce premier avatar – cette première transformation du couple “support-message” – un troisième avatar va arriver entre le 15e et le 16e siècle. Au moment où on invente l’imprimerie. Arrivée de l’imprimerie qui change non pas le support matériel, mais les techniques industrielles d’impression du message sur le matériel. Ce changement de « logiciel » va induire exactement les mêmes transformation que dans l’Antiquité avec l’invention de l’écriture. Nous allons avoir du point de vue commercial l’arrivée des premiers traités de comptabilité à Venise. L’arrivée des premières institutions bancaires. L’arrivée sans doute d’un début d’idée démocratique, beaucoup plus avancé que celle des Grecs. La réforme au point de vue religieux et puis, surtout, l’invention de la science expérimentale qui est la seconde grande révolution concernant les sciences. Vous voyez donc que le spectre des changements est à peu près parallèle au spectre des changements de la première transformation du couple “support-message”. Et pour comprendre aujourd’hui les transformations induite par l’ordinateur (ou le numérique) que je viens de définir précisément comme un profil nouveau du couple “support-message” vous n’avez qu’à lire le spectre que je viens d’étaler devant vous. Les transformations vont toucher le droit ; vont toucher la politique ; vont toucher le commerce ; vont toucher la religion ; vont toucher la science ; vont toucher la pédagogie. Parce que j’ai oublié de le dire mais dès l’arrivée de l’écriture les Grecs ont inventé le terme de Païdeïa et à l’arrivée de l’imprimerie les traiter de pédagogie vont pulluler dès la Renaissance.

Par conséquent, les crises que nous vivons aujourd’hui ; les crises qui touchent la politique, qui touchent le droit, qui touchent la finance, le commerce, l’industrie, le travail, la pédagogie, l’université, les religions… ces crises là ne sont pas nouvelles. Dès lors qu’on a compris la loi des trois étapes. Dès lors qu’on a compris que le couple “support-message” réalise sa troisième mutation et nous en sommes précisément un moment où la transformation en question a lieu. J’ai dit tout à l’heure « oui c’est nouveau » mais peut-être pas si nouveau que ça. Voilà ce que je voulais vous dire du point de vue du temps.

2°) L’espace
Pour parler de l’espace je voudrais inviter ici, dans cette salle, l’héroïne préférée de Michel Serres qu’il appelle “Petite Poucette”. Cette “Petite Poucette” qu’il a appelée ainsi pour son habilité diabolique à envoyer des messages et des SMS grâce à ses pouces sur son mobile. Cette “Petite Poucette” qui tient en main cet ordinateur intégré à son mobile. Cette “Petite Poucette” qu’il aime tant et qui est pour lui l’héroïne des temps contemporains et sur laquelle il a écrit un super bouquin. Cette “Petite Poucette” a une devise. Cette devise concerne précisément la première partie de mon exposé, c’est-à-dire le temps. Lorsque nous parlons du temps, nous aimons dire « le temps présent ». Et j’ai parlé en effet du temps présent. J’ai parlé de maintenant. Maintenant c’est la troisième transformation du couple support message. Non non non non dit “Petite Poucette” ! Maintenant ne veut pas dire cela. Maintenant veut dire : « tenant en main ».

Maintenant = tenant en main.

Et voilà “Petite Poucette” avec son portable à la main qui déclare comme devise fondamentale : “maintenant tenant en main le monde”. Et, en effet, elle a raison de dire « maintenant tenant en main le monde » car il suffit de manipulation avec le GPS pour qu’elle ait à sa disposition tous les lieux du monde. Y compris ceux où elle n’est jamais allé et qu’elle ne connaît pas. Elle tient en main tous les lieux du monde avec Google Earth par exemple. Elle tient en main la totalité de l’information sur quelque sujet que ce soit avec Wikipédia et autres moteurs de recherche. Maintenant tenant en main le monde : tous les lieux, tous les gens, toutes les informations. Petite anecdote personnelle je suis allé cet été à Barcelone visiter la Sagrada Familia. Magnifique monument. On vient du monde entier pour le visiter. Tous les âges, toutes les couleurs, tout le monde est là. Et bien je peux l’affirmer : 100 % des visiteurs de la Sagrada Familia possèdent un smartphone. Pas compliqué.

Question : qui, dans le passé, pouvait dire « maintenant tenant en main le monde ».

Un empereur Romain ? Jules César ? Napoléon ? Staline ? Un milliardaire richissime ? En tout cas, une personne rare. Très très rare. On peut les compter sur les doigts de la main. Eh bien il se trouve qu’aujourd’hui, 3 750 000 000 de “Petite Poucette” peuvent dire : “maintenant tenant en main le monde”. Est-ce que je n’ai pas là en main quelque chose comme une innovation utopique ? Concernant la démocratie ? Utopie, certes, mais combien de nouveautés historiques sont nées d’une utopie ? Combien de révolutions ont été annoncées par des utopies de ce genre ? Voilà l’utopie de “Petite Poucette” de maintenant tenant en main le monde.

“Petite Poucette” je vais lui poser maintenant une seconde question après avoir entendu sa devise je vais lui demander : « Petite Poucette » donne-moi ton adresse ». “Petite Poucette” a probablement des grands-parents, et ils vont répondre : nous habitons en famille aux 12 rue du père Deval – 16000 Angoulême.… je vous demande de considérer avec moi cette phrase-là. Ce code : 12 rue du père Deval – 16000 Angoulême. C’est un ensemble de chiffres et de lettres qui se réfèrent à un espace donné, c’est-à-dire à un découpage de la France métropolitaine, découpage ensuite en département etc.… cette adresse « classique » se réfère un espace que nous connaissons parfaitement. C’est un espace géographique que les mathématiciens appelleraient volontiers un espace euclidien ou cartésien. Qui est référé à des ordonnées ou à des abscisses mais qui est essentiellement un espace métrique, un espace où la distance est mesurable. Cette mesure est assurée par les chiffres et les lettres de l’adresse en question. Donc, autrefois, avant “Petite Poucette”, nous habitions un espace métrique. Un espace défini par des distances et des mesures de distance. À cette adresse-là, nous ne recevons plus rien que de la publicité qu’on balance à la poubelle tous les matins… La vraie adresse maintenant c’est le portable ou l’adresse e-mail. C’est là, maintenant, que nous recevons les messages essentiels à la fois sur le portable ou sur l’e-mail ou sur le Facebook Messenger.

Continuons d’essayer de lire le code de cette nouvelle adresse soit le numéro de mobile 06 etc. soir l’adresse e-mail jc@tartempion.com…. Ce code-là se réfère aussi un espace donné. Lequel ? Il se trouve qu’aujourd’hui on peut appeler n’importe qui, à n’importe quel endroit, où que l’on soit. N’importe qui, à n’importe quel endroit, où que l’on soit. Par conséquent, cette nouvelle adresse ne se réfère plus à l’espace qui était la référence de ma première adresse. Et donc, j’habite un nouvel espace. Comment se définit cet espace là ? De façon très intéressante. Il n’est pas métrique. Il ne mesure pas les distances. Il ne faut pas dire que les nouvelles technologies raccourcissent les distances. L’âne ou la calèche raccourcissaient les distances. L’automobile raccourcit les distances. Le TGV raccourcit les distances. Le numérique les annulent. Les annulent. Aujourd’hui, nous habitons dans un nouvel espace où je n’ai plus que des proches, des prochains, je n’ai plus que des voisins, il n’y a plus de lointains. Du coup, nous pouvons annoncer annoncer que nous avons changé d’espace, nous avons déménagé. L’humanité vient de changer d’espace. J’ai dit d’abord qu’elle venait de changer de temps, c’était ma première partie. Et maintenant, prenons conscience que nous avons changé d’espace que nous avons déménagé. L’humanité a déménagé.

3°) Et aujourd’hui alors ?
On a l’impression que tout bouge très très vite. C’est vrai. Et pour le vivre au quotidien depuis 20 ans environ dans le cadre de mon métier, je peux vous avouer une chose : c’est même pire que ça. Nous ne sommes qu’au début de quelque chose. Au tout début. C’est une chance on va dire « historique » pour nous que d’être contemporain et acteur de cette formidable mutation globalement analogue à celle de l’invention de la roue et du feu pour l’humanité. Que l’on soit pour ou contre importe peu. Notre monde « mute ». Et donc pour revenir à la question posée : je n’ai aucune idée des prochaines mutations digitales. Aucune. Et si quelqu’un vient, devant vous, vous affirmer que ce sera ceci ou cela, c’est un escroc ou un menteur. Nul ne le sait. Même si l’on place – comme je viens de le chanter devant vous – cette mutation dans une perspective « historique », la révolution numérique a une vraie singularité par rapport à ses précédentes : c’est sa vélocité de mutation.

Facebook a été crée en 2004.

L’iPhone est une gamme de smartphones commercialisée par Apple depuis 2007. 2007.

L’iPad a été annoncée le 27 janvier 2010 par Steve Jobs.

2010. C’est hier, non ?

Je vous remercie.

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Ceci est le texte de mon intervention à l’ISEG Marketing & Communication School Bordeaux du Jeudi 24 Novembre 2016.
Elle a été sensiblement améliorée (enfin, j’espère) par rapport à celle prononcée devant mes amis du Réseau Entreprendre® Poitou-Charentes au coeur de cette belle ville d’Angoulême le mardi 8 novembre 2016. De larges extraits ont

également

été cités pour L’Université populaire du Niortais le vendredi 7 octobre 2016.

Vous êtes totalement libre de le reprendre, le copier, le coller, sans aucun problème, cette conférence et cette intervention sont bénévoles.

N’oubliez pas – au besoin – d’en citer la source 🙂 Merci très spécial à Michel Serres, mon Maître à penser, pour la rédaction de ce texte très très largemodestement inspiré de ses travaux ainsi qu’‘à mon épouse pour m’avoir supporté.

Et si le web devenait conversationnel ?

Les chatbots (agents conversationnels) façonnent-ils le web de demain et, au-delà,  le numérique fait-il de nous des mutants ?

L’évolution des technologies – notamment les progrès dans les domaines de l’Intelligence Artificielle et du Big Data – permettent désormais d’envisager des échanges « doués de sens » entre l’Homme et la Machine, pilotés par des robots. Ce « web conversationnel » va modifier notre quotidien et nos métiers. Quand, comment et à quel point ? 

Un 18/20 ambitieux qui abordera deux aspects de cette nouvelle ère de la communication digitale :

La soirée sera animée par deux intervenants : Antony GLAZIOU et Jean-Christophe GILBERT.

  • Fan inconditionnel des technologies web et devenu « expert » de ses multiples usages en entreprise, Antony GLAZIOU intervient régulièrement en qualité de coach, consultant et/ou formateur. Sa mission : permettre à l’entreprise d’optimiser son usage des technologies web pour gagner en notoriété, productivité, capacité d’innovation, parts de marché, etc. Domaines de prédilection : marketing digital, gestion de la relation clients, business development.

  • Professionnel du web depuis le siècle dernier, Jean-Christophe GILBERT est chef d’entreprise, administrateur et vice-président du SPN. Il perçoit le numérique comme une opportunité fabuleuse de développement économique, culturel et philosophique. Jean-Christophe Gilbert reste concentré sur l’humain, la production d’expériences et la création d’engagement. Conférencier occasionnel, il s’attache aujourd’hui à développer un nouveau collectif numérique baptisé Love Can Do.

On résume : la soirée spéciale du « 18/20 de l’Apacom » c’est :Jeudi 24 novembre

de 18h à 20hà l’ISEG Marketing & Communication School Bordeaux

85 rue du Jardin Public 33000 Bordeaux

Salle Amphithéâtre (Rez-de-chaussée)

Tram C et bus : station « Camille Godard » ou « Paul Doumer »

Coût participation : 8 €

Inscription obligatoire via la plateforme Linscription.

Accès réservé aux adhérents de l’association et aux membres de leur réseau professionnel.