Qu’est-ce que la Kodakisation ?

C’est très complexe, la transition numérique, je me tue à le dire. Derrière les applis qui vous facilitent la vie et votre site web gratuit en trois clics, se cachent une multitude de pièges, de complexités, ramifications, innovations perpétuelles et pièges à grande vitesse. 

L’objet de ce blog est d’essayer d’éclairer un petit peu tout cela. Donc : soyons clairs et précis et prenons un cas très concret : l’entreprise Kodak 

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– En 1976, Kodak est en situation de quasi-monopole.

– Jusqu’en 1990, Kodak est consacrée comme l’une des marques les plus valorisées au monde (un peu comme Facebook ou Apple aujourd’hui).

–  En 1991, Kodak introduit le premier appareil photo numérique

– En 2000, année des Jeux Olympiques de Sydney, dont Kodak est l’un des sponsors principaux, l’entreprise doit décider quel produit mettre en avant pour l’événement : le film argentique, ou le numérique ? Finalement, Kodak optera pour l’argentique, avec une petite place pour le numérique.

– A partir de 2003, c’est avec des téléphones plus qu’avec des appareils photos que les gens commencent à prendre leurs photos, tendance qui explosera avec l’introduction de l’iPhone en 2007.

– Dépôt de bilan de Kodak en 2012.

Il est possible d’avancer plusieurs explications possibles à l’échec de Kodak :

Kodak n’aurait tout simplement pas vu venir la révolution numérique ?

  • Ce n’est pas le cas : c’est en effet Kodak qui a inventé la photo numérique en 1975.

La R&D de Kodak a bien travaillé sur la photo numérique, mais n’a pas réussi à la commercialiser ?

  • Là encore ce n’est pas le cas. Kodak a introduit un excellent appareil photo numérique sur le marché dès 1991 et est devenu un acteur de ce marché, même si sa part de marché est toujours restée relativement faible.

Un manque de temps, l’innovation allant trop vite ?

  • Cela ne tient pas non plus : entre l’invention en 1975 et le décollage du marché à la fin des années 90, il s’écoule au moins quinze ans.

Un manque de vision du management ? 

  • Loin de là. Dès 1981, la direction de Kodak n’ignore plus rien de la perspective de son marché.

Un manque d’expertise technique empêchant Kodak de basculer vers le numérique ?

  • Au contraire, Kodak était très active dans le domaine et est à l’origine de très nombreux brevets, source de valeur de l’entreprise. Kodak n’est pas mort d’avoir ignoré la révolution numérique, ni d’avoir été incapable d’y prendre une part active ! 

Alors qu’elle est la vraie raison de l’échec ?

De ne pas avoir parié sur le numérique en abandonnant l’argentique, sachant que la direction générale était convaincue que le numérique allait remplacer l’argentique. Mais quand ? Nul ne le savait !

A l’époque le marché de l’argentique était encore en croissance et très profitable et la direction générale pouvait donc se dire qu’elle avait encore le temps, qu’elle pouvait continuer à se déployer sur le marché de l’argentique, puis passer ensuite au numérique, « nouveau » marché minuscule.

Cependant avec l’argentique et le numérique, deux modèles d’affaires s’opposent.

Dans son modèle, Kodak gagne de l’argent en vendant des films sur lesquels il obtient une très forte marge. Dans le numérique, il n’y a plus de films. L’argent se gagne en vendant des appareils, mais sur lesquels la marge est très faible.
De plus, alors que les films se vendent au détail, via un réseau de grandes et moyennes surfaces et de buralistes, les appareils numériques se vendent via des distributeurs spécialisés. Si Kodak maîtrise parfaitement le premier réseau, elle ignore tout du second et n’y a aucune légitimité : tout est à construire, ce qui nécessite un investissement gigantesque. Kodak sait ce qu’elle perd, mais ne sait pas ce qu’elle va gagner !
De plus, tous les actifs que l’entreprise a mis des décennies à bâtir, comme les laboratoires de chimie, les usines et les laboratoires de développement, qui font la force de l’entreprise et constituent son avantage concurrentiel, deviennent inutiles.

Au final, l’analyse des deux modèles d’affaires montre que le numérique n’est absolument pas attractif pour Kodak. L’entreprise peut être convaincue de l’avènement du numérique, mais ne trouve pas le marché attractif. Kodak ne se résout pas à tout miser sur le numérique et décide de patienter. Le temps passe donc et nous sommes alors en 2000 et pour la première fois, le marché de l’argentique décline, c’est le début de la fin !

L’intégrale de ce remarquable article est en ligne dans un billet appelé “Un assureur se fera-t-il Kodakisé” qui nous parle beaucoup à nous, ici, à Niort.

Normal.

Une interface utilisateur c’est comme une blague : si tu dois l’expliquer, elle n’est pas bonne

C’est amusant le web. Voici un visuel que j’ai fait avec mes petites mains il y a de cela quelques mois (signé par mon agence Weeeb en bas, à droite). Un Internaute a imprimé “mon” visuel et l’a épinglé dans son bureau. Un autre l’a pris en photo et l’a twitté. Retwitté plus de 260 fois, il me redéboule sous les yeux ce matin via le compte Twitter de l’un de mes clients. Le numérique, y’a pas, c fantastique.

😉

Littérature numérique

L’excellent Ploum, dont je n’ai de cesse de vanter ici les mérites, vient de poster un nouvel excellent article où il explique que les bouquins qui parlent de numérique sont une connerie (pour faire court).  Il évoque un sujet que je connais super bien : régulièrement, des lecteurs de mon blog ou copains ou des personnes assistant à une de mes conférences me demandent si j’ai publié des livres reprenant les idées que je développe. Malheureusement, je dois répondre que non. Et ce n’est pas dans mes projets. Ploum énonce une idée tout simple mais ô combien vraie :

La raison en est toute simple : si je publiais un livre, il serait déjà obsolète avant même que vous puissiez le tenir entre vos mains.

Perso, j’en vois une seconde : j’ai la flemme 🙂 Mais il a raison. Mes idées évoluent en permanence. Je publie des billets sur ce qui m’interpelle, sur ce qui m’intéresse. Un nouveau billet peut parfois contredire un plus ancien. Ou le compléter. Chaque billet a d’ailleurs un lectorat différent, imprévu.

Pourtant, le livre garde une aura. Publier un livre fait de vous quelqu’un d’important. Les médias font énormément de bruit autour des livres. La sortie d’un livre est un événement. Être auteur publié, c’est un gage d’autorité. C’est la garantie d’être invité comme expert sur les plateaux télé, surtout si le titre est accrocheur : Et nous cédons la parole à Ploum, auteur du remarqué « Internet et ses dangers », publié chez Plouc.

Peu importe les âneries que vous ayez écrite, peu importe que votre livre se soit vendu à 200 exemplaires, vous êtes un auteur, vous êtes un expert, vous êtes détenteur de la Vérité. Car, tout texte imprimé représente la Vérité. Un blogueur, même s’il est lu par des dizaines de milliers de lecteurs, c’est un amateur. Rien à voir avec cet auteur que personne n’a lu excepté celui chargé de rédiger la critique.


[…]

Moi, publier un livre de non-fiction ? Vous ne voulez pas que je l’écrive à la plume sur du vélin tant que vous y êtes ? Ça aurait son charme, je le reconnais, mais en attendant je vous encourage vivement à lire sur le web. Vous verrez, c’est un nouveau monde !

L’intégrale ici : https://ploum.net/ecrire-un-livre-quelle-drole-didee/

Empirisme numérique

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Avant toute chose, sans vouloir jouer les emmerdeurs, je vais commencer par bien préciser ce que signifie “empirisme”. On ne s’en sert pas souvent de ce mot là et il n’a rien à voir avec l’empire romain ou la guerre de étoiles mais – je cite Wikipedia :

Selon l’empirisme, le fondement et la première source de la connaissance se trouvent dans l’expérience.

Voilà qui est important. Dans le monde du numérique, je veux dire. Monde où chacun admet que des mutations profondes se produisent environ toutes les 22 minutes. Comment acquérir une forme de connaissance là-dedans sans l’expérience ? C’est bien grâce à la multiplication de nos expériences numériques, diverses et variées, menées (depuis le siècle dernier pour ce qui me concerne) que l’on tire une source de connaissances. Pas dans les bouquins ou les cours à l’école (bien qu’il soit indispensable de s’en tartiner périodiquement aussi). Tout ça pour dire quoi ? Qu’il faut entreprendre, mettre en ligne des trucs et des machins, versions beta, alpha même, réussir ou échouer, peu importe, il faut agir, mesurer, réfléchir, avancer et tirer des enseignements concrets de tout cela.

Voilààà.