12 technologies qui vont changer le monde (et tuer des emplois)

Un rapport de McKinsey liste des innovations qui auraient un impact économique colossal. Mais que faire des emplois devenus obsolètes ou non compétitifs ?

L’institut de conseil McKinsey a publié un rapport en mai intitulé « Technologies de rupture : des avancées qui changeront la vie, le commerce et l’économie mondiale ». Dans ce document de 180 pages, douze innovations sont listées, toutes capables de modifier le monde à l’horizon 2025.

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Une technologie dite « de rupture » a une particularité : comme l’indique son nom, elle rompt avec le marché existant – qu’elle altère ou détruit – et modifie le paysage économique en profondeur. Les exemples ne manquent pas dans l’histoire récente : les moteurs ont rendu la force animale obsolète, le téléphone a signé la mort du télégramme, la photographie numérique a enterré l’argentique…

Impact économique et capacité de rupture

Les années 2000 ont aussi eu leur lot de ruptures technologiques « en devenir » avec par exemple le téléchargement face à l’achat de formats physiques, le livre numérique, l’e-commerce…

La liste dressée par les experts de McKinsey n’est pas exhaustive mais s’articule autour de deux critères : l’importance de l’impact économique et sociétal de ces innovations et leur capacité à rompre réellement avec le marché existant.

Les douze innovations :

  • Internet mobile : accroissement et baisse du coût de la connectivité entre Internet et terminaux mobiles ;
  • automatisation du travail intellectuel : création de logiciels et système intelligents aux capacités de jugement et de traitement de la connaissance affinées ;
  • Internet des objets communicants/connectés : création de réseaux de capteurs à bas prix collectant des données, les analysant et agissant en fonction ;
  • l’informatique en nuage (cloud) : système d’hébergement des fichiers et services sur des serveurs distants ;
  • robotique avancée : des robots aux sens, à la dextérité et l’intelligence améliorés, utilisés pour automatiser davantage de taches voire « augmenter » les humains eux-mêmes ;
  • véhicules autonomes : véhicules capables de se déplacer avec peu ou sans intervention humaine ;
  • génomique nouvelle-génération : séquençage du génome amélioré, plus rapide et à moindre coût, grâce aux innovations dans l’analyse des données et la biologie synthétique ;
  • stockage de l’énergie : systèmes et terminaux capables de stocker l’énergie en plus grande quantité et plus longtemps (essentiellement des batteries) ;
  • impression 3D : technique de fabrication additive qui consiste à créer des objets depuis un modèle numérique en superposant de fines couches de matériaux ;
  • matériaux avancés  : matériaux aux caractéristiques et fonctionnalités supérieures (dureté, résistance, durabilité, élasticité, conductivité…) ;
  • exploration et forage avancés : techniques permettant l’exploitation de ressources pétrolifères et gazières jusqu’alors inaccessibles ;
  • énergies renouvelables.

Une création de richesse astronomique

Selon le rapport, le gain pour l’économie mondiale sera considérable : entre 10 000 milliards et 25 000 milliards d’euros par an en 2025. L’essentiel venant de l’Internet mobile (entre 3 000 milliards et 8 000 milliards d’euros), suivi de l’automatisation du travail intellectuel, les objets connectés et le cloud.

Les experts ne vantent pas seulement la croissance colossale des bénéfices pour l’économie mondiale.

Le coût des traitements des maladies chroniques pourrait être réduit grâce à des capteurs sanitaires connectés, l’électricité et l’eau seraient gérées plus efficacement, des exosquelettes aideront des personnes handicapées à retrouver leur motricité, les OGM seront plus performants… on pourrait même procéder à l’augmentation des capacités de l’être humain.

Et les emplois dans tout ça ?

Sauf qu’un détail vient noircir le tableau. Ce processus de rupture décrit par Joseph Schumpeter en 1942 répond au nom de « destruction créatrice ». Et il faut attendre la conclusion du rapport pour que soit évoqué l’autre versant de la pièce : quid des emplois devenus inutiles, obsolètes ou non compétitifs ?

Sans même aborder les questions d’éthique qui se poseront nécessairement autour de l’usage de ces technologies, il existe des impératifs pratiques auxquels ne répondent pas vraiment les auteurs.

Dans le monde décrit par le rapport, que fait-on des :

  • professeurs lorsque les logiciels d’apprentissage seront si performants qu’ils s’adapteront parfaitement aux besoins de l’enfant ?
  • médecins et chirurgiens lorsque des capteurs sanitaires implantés vous tiendront au courant de votre état de santé et que des machines se chargeront de vous opérer ?
  • femmes de ménages et aides aux personnes lorsque des robots domestiques pourront remplir la plupart de leurs taches ?
  • des ouvriers, manutentionnaires et ingénieurs lorsque l’automatisation du travail manuel et intellectuel les aura remplacés ou que l’imprimante 3D aura détruit certains écosystèmes industriels ?
  • chauffeurs de taxis, de bus ou de camions lorsque les voitures seront autonomes ?

Désœuvrement, chômage et inégalités

Les auteurs du rapport eux-mêmes évoquent la problématique :

« La nature du travail va changer, et des millions de personnes auront besoin de nouvelles compétences. Il n’est pas étonnant qu’une nouvelle technologie rende certaines formes de travail humain inutile ou non-compétitif. »

Selon les experts de McKinsey, ce processus a toujours bénéficié à la société, en créant plus d’emplois qu’il n’en détruisait. Ils s’alarment cependant que l’essor de l’automatisation n’inverse la balance, accroisse le chômage et creuse les inégalités entre les travailleurs très qualifiés et ceux qui auront reçu une formation de moindre qualité.

Le rapport exhorte donc gouvernements et employeurs à prendre le temps de réfléchir au meilleur moyen d’appréhender ces technologies dont l’essor ne peut de toute manière être stoppé.

Les classes moyennes sacrifiées au profit d’une élite

Si les experts de McKinsey semblent minimiser l’impact des technologies de l’information et de la connectivité sur l’emploi, d’autres auteurs se font nettement plus alarmistes.

Dans un livre intitulé « Who Owns the Future » (à qui appartient le futur) – paru presque en même temps que le rapport – l’essayiste américain Jaron Lanier, pionnier de la réalité virtuelle, met en garde contre les technologies digitales utilisées pour briser les marchés, éliminer les emplois et concentrer la richesse entre les mains d’une élite.

Il s’appuie notamment dans le préambule sur l’exemple de Kodak :

« Au sommet de sa puissance, la société de photo Kodak employait plus de 140 000 personnes et valait 28 milliards de dollars. Ils ont même inventé le premier appareil photo numérique. Mais aujourd’hui, Kodak est en faillite et le nouveau visage de la photo digitale est devenu Instagram. Quand Instagram a été vendu à Facebook pour un milliard de dollars en 2012, la société employait treize personnes. »

Les solutions proposées par l’auteur – cesser de livrer gratuitement nos informations personnelles aux entreprises, voire les monétiser – peuvent bien être jugées trop légères ou taxées d’utopisme, elles ont le mérite de créer le débat sur l’un des grands problèmes de la prochaine décennie.

Source : Rue 89 et Beer Bergman

Auteur/autrice : Jean-Christophe Gilbert

Super sympa