Partie 1 : Vision
Chapitre 1 : Commencer
Construire une startup est un exercice de construction d’une institution : cela implique donc forcément du management. De nombreux entrepreneurs préfèrent éviter toute forme de management, de process et de discipline, sous prétexte que ces mots impliquent des lourdeurs qui ne devraient être caractéristiques que des entreprises bien installées. En réalité quand l’auteur parle de management, il veut bien sûr garder l’agilité qu’autorise une startup.
Le mot lean startup prend sa source dans le mouvement « lean » initié chez Toyota par Taiichi Ohno et Shigeo Shingo. La pensée « lean » implique de changer radicalement la façon dont sont gérés les systèmes de production. Parmi ses points-clés, il y a le fait de se baser sur l’inventivité de chaque travailleur, la réduction des lots (batch) à produire, la production « just in time », le contrôle des inventaires et l’accélération des cycles de production.
Le mouvement lean startup adapte ces idées au contexte de l’entrepreneuriat, en proposant aux entrepreneurs d’évaluer leur travail d’une façon différente des entreprises traditionnelles. Dans la production industrielle, le progrès est mesuré par la production de biens de haute qualité. Les lean startups utilisent une autre mesure, qui est appelée par l’auteur le « savoir validé ».
Une nouvelle théorie de l’entrepreneuriat doit donc adresser toutes les fonctions d’une entreprise embryonnaire : la vision et le concept, le développement produit, les ventes et le marketing, les partenariats et la distribution, la structure organisationnelle. Elle doit pouvoir donner une méthode pour mesurer le progrès dans un contexte incertain.
Une lean startup va demander aux gens de mesurer leur productivité différemment. Le but d’une startup est de deviner la bonne chose à produire, en d’autres termes ce que les clients vont être prêts à payer, aussi vite que possible. Le mouvement lean startup est une nouvelle façon de voir le développement de produits innovants qui met l’emphase sur des itérations rapides et les idées des clients, une énorme vision et une grande ambition, tout à la fois.
Eric Ries prend l’image du moteur de croissance d’une startup. La grande partie de notre temps dans une startup va être dépensé à améliorer ce moteur en améliorant le produit, le marketing ou les opérations. Mais c’est plus un moteur de voiture qu’un moteur de fusée qu’il faut fabriquer. Il témoigne ainsi que de trop nombreux business plans de startups prévoient jusqu’au moindre détail, comme pour le lancement d’une fusée. Or, dans la réalité, une startup dispose d’un moteur de voiture :
rien ne sert de tout prévoir tant que nous n’avons pas les premiers retours des clients potentiels.
L’idée n’est donc pas de faire des plans complexes en prenant trop d’hypothèses, mais bien de faire des ajustements constants à travers une boucle Construire – Mesurer – Apprendre. A travers ce process d’ajustement, nous pouvons apprendre si c’est le moment de faire un pivot pour notre activité ou de persévérer sur le chemin que nous avons pris. Une fois que notre moteur est bien configuré, la lean startup va offrir des méthodes pour grandir le plus rapidement possible.
Les startups suivent une boussole avec une destination en tête : créer un business qui peut changer le monde. C’est la vision d’une startup. Pour atteindre cette vision, les startups emploient une stratégie, qui inclut un business model, une roadmap produit, un point de vue au sujet de partenaires et de la concurrence, et des idées au sujet de qui seront les clients. Le produit est le résultat final de cette stratégie.
Les produits changent constamment à travers le process d’optimisation, que l’auteur appelle « régler le moteur ». Moins fréquemment, la stratégie doit changer (un pivot). Mais la vision change rarement. Les entrepreneurs sont engagés à aller jusqu’au bout, à la destination qu’ils avaient en vue dès le début.
Dans la vie réelle, une startup est un portefeuille d’activités. Beaucoup de choses arrivent en même temps : le moteur tourne, acquérant de nouveaux clients tout en servant les clients existants ; le moteur est réglé pour tenter d’améliorer le produit, le marketing et les opérations ; et le management doit décider quand pivoter ou non. Le challenge de l’entreprenariat est de réaliser toutes ces actions simultanément.
Chapitre 2 : Définir
Une startup est une institution dont le but est de créer un nouveau produit ou un nouveau service sous des conditions d’incertitude extrême.
L’auteur explique que le plus important dans cette définition est ce qu’elle ne dit pas. Elle ne dit rien au sujet de la taille de l’entreprise et de son secteur. N’importe qui dont la mission est de créer un nouveau produit ou service dans un contexte extrêmement incertain est donc un entrepreneur, qu’il soit seul ou qu’il travaille dans une entreprise de 100 000 personnes.
Une autre partie essentielle de la définition est aussi que le produit ou service doit être nouveau, c’est-à-dire innovant. Ce mot doit être compris au sens large : cela peut être une nouvelle découverte scientifique, cela peut être une technologie déjà existante mais proposée dans un nouvel usage, cela peut être la définition d’un nouveau business model qui crée de la valeur pour de nombreux acteurs, ou simplement apporter un produit ou un service sur un nouveau marché. Dans tous les cas, l’innovation est au cœur du succès de l’entreprise.
La majorité des grandes entreprises sont excellentes à ce que l’auteur appelle l’innovation de soutien, à savoir des améliorations pour des produits ou services déjà existants. Là où elles ont des problèmes, c’est quand il s’agit de créer de réelles avancées via des produits ou services complètement nouveaux : l’innovation disruptive. Ce second type d’innovation est le plus à-même d’apporter de nouvelles sources de croissance durable.
L’innovation est un concept qui peut être « managé ». Manager l’innovation va demander une nouvelle discipline de management, une qui ne doit pas seulement être maîtrisée par les entrepreneurs mais aussi par ceux à qui ils rendent des comptes (comme le senior management dans une grande entreprise par exemple).
Tout au long de ce chapitre, Eric Ries prend l’exemple de Intuit, une société américaine de développement de logiciels de comptabilité. Selon lui, cette entreprise a compris comment cultiver l’esprit d’entreprenariat malgré ses 8 000 employés. Le développement de leur produit phare, TurboTax, a été confié à une équipe « d’entrepreneurs » au sein de cette société. Plutôt que d’avoir un développement logiciel avec quelques idées prises en compte (ce qui crée une entreprise de politiciens et de vendeurs), à Intuit, chaque employé peut donner son idée pour améliorer le produit car des centaines de tests sont réalisés simultanément. Cela a pour conséquence de créer une entreprise composée d’entrepreneurs, qui font des tests et apprennent et peuvent re-tester et réapprendre.
Ce chemin de l’innovation est nécessaire aujourd’hui car la quantité de temps où une entreprise peut rester leader sur son marché rien qu’en exploitant ses innovations passées est en train de considérablement se réduire. Cela crée un impératif, même pour les sociétés les plus innovantes d’investir dans l’innovation. Par exemple dans un domaine que je connais bien : Apple, leader pendant 5 ans sur le marché des smartphones puis des tablettes, aujourd’hui déstabilisé par deux entreprises concurrentes, Google sur la partie software et Samsung sur le hardware. En seulement 5 ans, l’hégémonie de Apple est déjà remise en question.
L’auteur va même plus loin en disant que le seul chemin durable pour une entreprise vers la croissance à long terme est d’être capable de créer une « usine à innovation » au sein de son entreprise qui utilise les techniques des lean startups pour créer des innovations disruptives continuellement.
Ce mouvement va changer la nature du senior management dans les grandes entreprises. Plutôt que d’être des personnes qui donnent leur accord, ou non, sur chacune des idées proposées dans l’entreprise, ils vont devoir devenir des personnes dont le rôle va être de mettre en place au sein de l’entreprise une organisation où chaque employé va être capable de tester ses idées et de se rendre compte presque immédiatement de leur intérêt ou non.
Chapitre 3 : Apprendre
Apprendre est sans doute la pire excuse que nous utilisons pour couvrir un échec. Le problème est que les employés qui suivent un entrepreneur dans l’inconnu n’en ont rien à faire d’apprendre. Ils veulent vite comprendre si le business est valide et durable.
Pourtant, si l’objectif fondamental de l’entreprenariat est de construire une organisation viable dans un contexte extrêmement incertain, alors sa fonction la plus vitale est l’apprentissage.
Eric Ries explique dans le modèle lean startup, l’apprentissage est réhabilité au sein d’un nouveau concept, l’apprentissage « validé ». L’apprentissage validé est le process de démonstration empirique qu’une équipe a découvert des vérités intéressantes au sujet des clients présents et futurs de la startup. L’apprentissage validé est plus concret, plus rapide et plus précis que les prévisions de marché ou que le fait de dresser un business plan.
L’auteur prend ici l’exemple d’une de ses premières entreprises, IMVU. Le produit d’IMVU était un logiciel de messagerie instantanée doté d’un avatar personnalisable. Eric Ries raconte alors ses déboires au lancement de la première version : il s’est avéré qu’après des mois de développement, peu de personnes étaient réellement intéressées par ce qu’ils avaient développé. IMVU avait attendu trop de temps avant de s’engager dans un process d’apprentissage validé, à savoir interroger des prospects sur leur intérêt dans le produit. Conséquence : l’abandon de mois de développement et de marketing produit. La question que s’est alors posée l’auteur était donc de savoir s’il n’aurait pas été possible d’apprendre le ressenti utilisateur bien avant de s’engager dans les développements du logiciel, avec pour objectif de gagner du temps et de l’argent ? En d’autres termes, quels efforts ont créé de la valeur et quels autres étaient sans importance ?
Dans la pensée lean, une seule chose a de la valeur : apporter un bénéfice au client. Tout le reste ne sert à rien.
Dans l’économie moderne, n’importe quel produit peut être imaginé et construit. La question à se poser n’est donc plus « est-ce que ce produit peu être construit ? » mais plutôt « est-ce que ce produit doit être construit ? « et « peut-on construire un business durable autour ? ».
Dans le modèle lean startup, chaque produit, chaque caractéristique, chaque campagne marketing – tout ce que fait une startup – est une expérimentation destinée à obtenir des connaissances validées.
Chapitre 4 : Expérimenter
Dans la méthodologie Lean Startup, les efforts de la startup sont vus comme des expériences destinées à comprendre ce qui dans sa stratégie est brillant ou complètement fou. Comme en science où les expériences sont guidées par la théorie, les expériences d’une startup sont guidées par sa vision.
Pour l’expérimentation, Eric Ries conseille de penser grand mais de commencer petit. A l’image de Zappos : cet acteur du e-commerce spécialisé dans les chaussures et racheté en 2009 par Amazon ne disposait pas de stocks quand il a commencé à vendre sur son site web des chaussures en 2003. Comment est-ce possible ? Le fondateur de Zappos avait passé des accords avec des magasins de chaussures pour prendre en photos des modèles de leurs stocks et de proposer ces modèles à la vente sur son site. En cas de vente, il viendrait les acheter dans le magasin et les expédierait lui-même. Très vite, Zappos a validé le fait qu’il y avait bien un marché pour de la vente de chaussures en ligne. Alors l’entreprise a pu commencer à travailler à se doter de ses propres stocks.
En construisant un produit, même tout simple, Zappos a appris bien plus que si elle avait mené des études de marché :
- Zappos a reçu des données au sujet de ses clients bien plus précises parce qu’elle était en train d’observer de vrais clients
- Zappos a interagi avec les clients pour apprendre leurs besoins au plus près d’eux
- Zappos s’est mis dans une position où elle pouvait être surprise par les comportements de certains clients (par exemple, que se passe-t-il quand un client retourne les chaussures qu’il a achetées ?).
Dans le modèle lean startup, les entreprises ne doivent pas attendre pour tester immédiatement leurs hypothèses. La planification stratégique est peut être un modèle dépassé, parce qu’il prend des mois à être finalisé.
Les deux plus importantes hypothèses qu’un entrepreneur peut faire sont l’hypothèse de valeur et l’hypothèse de croissance. L’hypothèse de valeur teste si un produit ou service apporte réellement de la valeur aux clients une fois qu’ils l’utilisent. L’hypothèse de croissance teste comment les nouveaux clients vont pouvoir découvrir notre produit ou service.
Dans le modèle lean startup, une expérimentation est plus qu’une enquête théorique, c’est aussi un premier produit. Au moment où il sera prêt à être distribué plus largement, il aura déjà des clients établis, il aura résolu de vrais problèmes et aura offert de véritables spécifications concernant ce qui doit être construit. Contrairement à de la planification stratégique classique, ces spécifications prendront racines dans les retours des utilisateurs d’aujourd’hui plutôt que sur ce qui va fonctionner demain.
Dans les entreprises « traditionnelles », le manager produit dit « je veux cela » et l’ingénieur répond « je vais construire ça comme ça ».
Dans une lean startup, il faut répondre à ces quatre questions :
- Est-ce que les consommateurs reconnaissent qu’ils ont le problème que nous essayons de résoudre ?
- S’il y avait une solution, qui l’achèterait ?
- L’achèteraient-ils à nous ?
- Pouvons-nous construire une solution à ce problème ?
La tendance traditionnelle du développement produit est de passer directement à la question 4 sans répondre aux trois premières, c’est-à-dire sans avoir confirmé que les consommateurs ont ce problème. Le succès de l’équipe de développement produit n’est donc plus mesuré à chaque nouvelle caractéristique du produit, il est mesuré à chaque fois que l’équipe apprend l’existence d’un nouveau problème des consommateurs.
Même les meilleurs managers dans les plus belles entreprises ont du mal à lancer constamment des produits innovants. Ils ont souvent des difficultés à vaincre la pensée managériale traditionnelle qui se repose sur la création de plans à long terme. Cela ne peut fonctionner car les plans à long terme fonctionnent seulement dans un contexte de stabilité, tout le contraire du monde qui nous entoure.