Le syndrome chinois

image

Notre ami Fred Cavazza était le mois dernier à La Roche-sur-Yon pour parler des métiers du web. Une soirée organisée par l’association Vendée Réseaux Sociaux. Le thème de la soirée était l’évolution des métiers du web, ça tombait bien, car il avait plein de choses à dire. Aujourd’hui, personne ne peut contester l’importance prise par l’Internet dans notre quotidien. Et pourtant, les formations et postes proposés en entreprise sont en décalage complet avec la réalité du marché : on continue de former et de recruter des développeurs et des experts en commerce en ligne. Génial… comme si “commerçant en ligne” était un métier, comme s’il n’y avait qu’un type de développeur. La dure réalité est que notre système éducatif et nos pratiques en matière de ressources humaines n’évoluent pas assez vite.

Internet est devenu un média protéiforme qui nous sert à communiquer, à nous divertir, à nous exprimer, à apprendre, à collaborer… c’est également un canal de vente, de distribution (pour les produits dématérialisés), d’exécution (pour les logiciels et services en ligne)… Bref, internet est devenu une plateforme bien plus complexe qu’un simple moyen d’afficher des pages HTML. De plus, cette complexité est amplifiée par le fait que les pratiques évoluent à une vitesse folle :

  • Les métiers du référencement ont été complètement bouleversés en 2 ans par les mises à jour de Google (Penguin, Panda…) ;
  • L’achat média a été entièrement transformé avec l’arrivée du RTB et du retargeting ;
  • Les développements web ont également été fortement impactés par des évolutions technologiques comme HTML5 ou de Node.js.

En résumé : les métiers et disciplines liés à l’internet ne sont pas stables, ils évoluent rapidement en fonction de tendances de fond comme l’avènement des médias sociaux, de la mobilité, du cloud computing, des big data… Dans ce contexte, recruter un community manager ou un développeur iOS paraît bien dérisoire.

Pour faire une analogie, c’est un peu comme si un restaurateur se rendait compte qu’1/4 de sa clientèle était composé de touristes chinois et qu’il recrutait un serveur parlant chinois. Qu’est-ce qu’un malheureux serveur va pouvoir changer à sa situation ? Ce qu’il devrait plutôt faire est de revoir complètement son équipe de salle et sa brigade en cuisine pour adapter son menu.

Pour les entreprises, c’est la même chose : elles devraient prendre un peu plus au sérieux les transformations sociétales que nous sommes en train de vivre avec internet (habitudes de consommation, modèles économiques, chaînes d’approvisionnement…) et envisager une reconfiguration de ses équipes et de son organisation (processus, responsabilités, objectifs…).

Pour les écoles, facultés et organismes de formation c’est la même chose : plutôt que de rajouter des modules à droite et à gauche, il faudrait entièrement revoir les modèles éducatifs pour mieux coller aux réalités du marché. J’espère ne rien vous apprendre en disant qu’il y a des milliers de postes non couverts et que les écoles “spécialisées” n’ont pas des promotions assez grandes pour espérer combler ce manque. Il y a bien des plateformes d’auto-apprentissage comme Codecademy ou Treehouse, mais les entreprises n’ont pas nécessairement besoin de codeurs. Bon en fait si, elles en ont besoin, mais il y a également une infinité d’autres besoins à couvrir, ceux liés aux développements front office (HTML5, CSS3, aux médias sociaux (social planning, social analytics…), aux contenus (de la curation aux infographies aux micro-vidéos), aux données (collecte, structuration, consolidation, interprétation)… Ces besoins sont à couvrir immédiatement, le marché n’a pas le temps d’attendre que le Ministère de l’Éducation daigne s’y intéresser.

Même les pratiques de formation continue devront également être revues, car de nombreuses fonctions transverses sont en train d’émerger (Chief Social Officer, Chief Mobile Officer, Chief Data Officer, Chief Conversion Officer, Chief Experience Officer…). Il n’existe pas d’école ou de formation pour ces fonctions transverses, il va donc falloir accompagner sur le long terme les cadres exécutifs pour qu’ils soient les fers de lance d’une transformation culturelle.

Encore une fois, ce n’est pas en prenant un stagiaire pour s’occuper du community management que vous allez aider votre organisation à mieux appréhender les médias sociaux.

Au contraire, vous ne faites qu’isoler les pratiques, vous cloisonnez la connaissance et le savoir-faire. Voilà pourquoi je suis persuadé que la qualité première à rechercher pour ces “nouveaux métiers du numérique” est la pédagogie : pour que les savoirs soient transmis aux autres employés et que la culture numérique irrigue les différents services (et pas seulement l’IT ou le marketing).

Ce sujet est complexe et notre ami Fred Cavazza n’a pas la prétention de détenir la vérité vraie. Par contre, il apporte grave sa pierre à l’édifice, notamment avec ce texte magnifique et cette présentation.

– Source + intégrale de l’article, contact et références http://www.fredcavazza.net/2013/12/06/de-la-penurie-des-metiers-du-web/#sthash.pVGEvEkW.dpufs

Accueil » Blog » Le syndrome chinois