La transition numérique

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Nous vivons une période de transition, qu’on appelle la transition numérique.

Nous quittons un paradigme, celui de l’économie de la production et de la consommation de masse, qui a dominé le XXe siècle et nous a permis de vivre un âge d’or (les Trente glorieuses). Nous rentrons dans un nouveau paradigme, l’économie numérique. Tout est en train de changer : les infrastructures changent ; l’organisation des entreprises et des filières change ; les biens et services, les modes de vie changent.
Surtout, notre économie est irriguée et propulsée par un nouvel intrant abondant et peu cher. Dans le paradigme ancien, ce fluide essentiel, c’était le pétrole. Tout a bien marché tant que le pétrole était abondant et pas cher ; à l’inverse, tout a commencé à se dérégler quand il s’est renchéri de façon soudaine et durable, à partir de 1973. Nous ne sommes toujours pas sortis de la crise amorcée à l’époque, car elle a définitivement invalidé le paradigme de l’économie de masse.

Dans le paradigme nouveau, celui de l’économie numérique, ce qui irrigue et propulse l’économie, c’est la multitude : les milliards d’internautes, équipés et connectés, qui utilisent au quotidien des applications numériques. Hier, il fallait maîtriser les ressources pétrolières. Aujourd’hui, la priorité stratégique des entreprises est de maîtriser cette nouvelle ressource, la multitude. Les entreprises qui sortent du lot et finissent par dominer l’économie numérique globale sont celles qui ont réussi à forger une alliance avec la multitude. Elles ont même surpassé les compagnies pétrolières au palmarès des valorisations boursières les plus élevées du monde : c’est un signe qui ne trompe pas.

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S’allier avec la multitude permet aux entreprises qui y parviennent de se développer à plus grande échelle et de créer plus de valeur. Mais cela a aussi un prix. Une alliance est forcément équilibrée. Les individus ne prêtent leur concours aux entreprises que s’ils y trouvent leur compte : des produits plus abondants, moins chers, plus simples, plus personnalisés ; une innovation permanente, de nouvelles fonctionnalités chaque jour ; une priorité donnée au service des individus par rapport à celui des salariés et des actionnaires. Comme l’a déclaré Jack Ma, fondateur du géant de l’économie numérique chinoise Alibaba, « nos clients viennent en premier, nos salariés en deuxième et les investisseurs en dernier ».

La multitude devient donc une ressource stratégique.

En tout cas, après la révolution numérique, une chose est sûre : les entreprises qui l’emportent dans la répartition de la valeur sont celles qui s’allient avec la multitude, donc qui sont positionnées en aval de la chaîne de valeur. A travers elles, les individus imposent un nouveau rapport de force, beaucoup plus dur, à l’amont de la chaîne et finissent par peser sur l’organisation des filières dans leur ensemble. Netflix, Apple, Amazon, Google sont ces démultiplicateurs de la puissance de la multitude, qui a un argument de poids : si on ne la satisfait pas avec des produits plus abondants, moins chers, innovants, personnalisés, alors elle passe de l’autre côté du comptoir et se sert sans demander la permission – c’est ce qu’on appelle le piratage ou la contrefaçon. On peut s’attaquer aux intermédiaires (Napster), plus difficilement s’attaquer aux individus eux-mêmes car ils sont les clients finaux de la filière. La filière musicale l’a appris dans la douleur et la Hadopi est là pour nous montrer la difficulté qu’il y a, même pour les pouvoirs publics, à affronter la multitude.

Extraits d’un excellent texte signé Nicolas Colin dont l’intégrale est ici

https://medium.com/welcome-to-thefamily/les-industries-culturelles-apres-la-revolution-numerique-ca4946a10a76

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