Incroyable mais vrai : une cinquantaine de députés français ont déposé un projet de loi visant à généraliser la consultation publique en ligne, par l’internet, sur les textes de loi avant leur examen par le Parlement. En plus d’améliorer les débats, cela permettrait selon eux de retisser le lien distendu entre politiques et citoyens. Bonne idée !
Elle est passée inaperçue dans le brouhaha de la Loi travail, mais la proposition de loi organique déposé par une cinquantaine de députés le 20 avril 2016, mérite qu’on y revienne. Courte, claire, ses trois articles visent à généraliser la consultation publique en ligne, par l’internet, sur les textes de loi avant leur examen par le Parlement, comme ce fut le cas pour la Loi pour une république Numérique d’Axelle Lemaire. Pour ces députés, si internet remet en cause la démocratie représentative “en permettant aux citoyens internautes d’être récepteurs et émetteurs d’un nombre illimité d’informations et d’éléments d’expertise”, il peut aussi être l’un des instruments d’une sortie de cette crise, en permettant aussi aux citoyens de participer activement à la préparation de la décision politique. Il pourrait même “contribuer à refonder la confiance envers les représentants”, écrivent les députés dans le préambule du projet de Loi. Bien joué !
Dans sa contribution au Dictionnaire politique d’internet et du numérique que publie Christophe Stener tous les ans, Patrice Martin-Lalande, député de Loir-et-Cher et co-président du groupe d’étude sur l’internet à l’Assemblée nationale, explique :
“Ce serait une illusion de penser que notre bonne vieille démocratie représentative puisse s’affranchir de la mutation numérique. Le partage de l’information conduit au partage du pouvoir. Les citoyens en réseau aspirent à plus de démocratie participative. Nous allons devoir inventer la démocratie qui va avec le numérique : un nouvel équilibre entre la démocratie représentative et la démocratie directe.”
Mais pas question de court-circuiter le gouvernement ou le Parlement dans l’initiative ou le vote des lois. La consultation doit surtout permettre une co-construction des lois, prenant en compte “chaque fois qu’elle est justifiée, l’expression du point de vue et de l’expertise des citoyens internautes”. Cela permettrait, comme cela s’est produit dans pour la Loi pour une république numérique, d’enrichir et de valider les débats et d’offrir plus de transparence.
EVITER L’UBÉRISATION DU PARLEMENT
Mais pas question non plus de laisser à d’autres l’organisation de ce débat, alerte Patrice Martin-Lalande : “Il serait paradoxal que le Parlement laisse au gouvernement, aux réseaux sociaux ou aux plateformes le soin d’organiser, dans leurs légitimes optiques respectives, la concertation préparatoire au vote de la loi, vote qui doit continuer de relever des seuls représentants du peuple. Nous ne pouvons donner procuration à d’autres acteurs de la vie politique pour assurer seuls le bon usage de l’internet au service de la démocratie représentative.” Car le risque, c’est la marginalisation du Parlement dans la mutation numérique de la vie politique, voire “l’uberisation de la démocratie représentative !”, prévient encore le député du Loir-et-Cher. Rien de moins.
Ceci est un texte signé : AURÉLIE BARBAUX
Posté sur L’Usine Nouvelle ici http://www.usine-digitale.fr/article/pour-eviter-l-uberisation-de-la-democratie-representative-nos-deputes-ont-une-idee.N426347
Crédit photo : http://www.lesateliersdelajoie.ch/assets/images/slides/joie2.jpg